Warren N. Lieberfarb est le directeur de Warren N. Lieberfarb & Associates (WNLA), une boite de consulting et d'investissements basée à Los Angeles, spécialisée dans les technologies et la distribution de media numériques.
Le 24 janvier 1995, à Hollywood, Lieberfarb, entouré d'une brochette d'industriels américains mais aussi japonais et européens, présentait à la presse le DVD, fruit d'une collaboration étroite entre Warner et Toshiba. C'est la fin de la « bataille du DVD ». D'un côté, Warner, Toshiba et leurs alliés ; de l'autre, Sony et Philips. L'enjeu ? La mise au point d'un format de disque avec, à la clef, la mainmise sur un énorme marché.
L'histoire du DVD commence au début des années 90. Les ventes de VHS donnent des signes d'essoufflement. Saturation du marché, désaffection du public, baisse des prix, concurrence de la télé par satellite... Représentant pas loin de 50 % des recettes d'un film, contre 25 % pour les projections en salles et 25 % également pour la diffusion télévisée, les cassettes VHS représentent un pactole pour les studios.
Patron de Warner Home Video depuis 1984, Warren Lieberfarb a fait de cette filiale l'un des géants du secteur. En quelques années, il a multiplié les revenus de la compagnie par 7. Les cassettes Warner sont diffusées dans 75 pays. Un parcours irréprochable pour cet homme qui maîtrise aussi bien la haute finance que les concepts marketing. Titulaire d'un diplôme d'économie et de commerce et d'un MBA, Warren Lieberfarb a été vice-président du marketing international chez Ford, Paramount Pictures et Twentieth Century Fox avant de prendre en main le marketing et les ventes de la Warner Home Video puis d'être nommé à la tête de la compagnie. Ce connaisseur de l'industrie du cinéma qui fut, avec quelques autres, à l'origine de la télévision payante et par câble, craint le retournement du marché de la VHS. Il est preneur de toute solution technologique capable d'enrayer ce déclin annoncé. Ce que veut Warren Lieberfarb : un support de la taille d'un CD-ROM pouvant stocker une grande quantité d'images numériques, capable de fournir un son et une image de parfaite qualité et incluant un système de cryptage rendant impossible le piratage.
En 1992, le groupe japonais Toshiba prend une participation dans Time Warner. On est alors en pleine mode du mariage entre hardware et software, on ne jure que par la « convergence entre contenu et contenant ». Les dirigeants de Toshiba souhaitent s'assurer le catalogue de la Warner. Lieberfarb fait la connaissance de Koji Hase, l'ancien président de la filiale anglaise de Toshiba. Les deux hommes en viennent à parler du problème du patron de la Warner Home Video. Quelle technologie utiliser pour donner un second souffle au marché de la vidéo ? Koji Hase a peut-être la réponse. « Nous travaillons en ce moment sur un nouveau type de CD-ROM capable de stocker une grosse masse d'informations. Je souhaiterais vous en dire plus de vive voix ». « Je n'ai qu'une demi-heure à vous accorder », lui répond Lieberfarb. L'entretien se poursuit tout l'après-midi. En fin de soirée, l'accord est conclu : la Warner Home Video travaillera avec Toshiba tout en continuant à collaborer avec Philips.
Au Japon, Koji Hase a dû batailler ferme pour convaincre les ingénieurs de la faisabilité du projet : la demande suppose de stocker entre 3 et 4 Go de données sur un disque quand l'état de la technique permet à peine de dépasser 800 Mo ! En février 1993, le patron des laboratoires de Toshiba a dans ses bagages une solution presque au point. La firme nippone est parvenue à fabriquer un disque optique et un lecteur de disques. Seul problème : celui-ci est incapable de lire les CD audio. Warren Lieberfarb demande la mise au point d'un lecteur compatible avec tous les CD.
En cette première moitié des 90's, outre Toshiba et Philips, qui collaborent avec la Warner Home Video, Sony et Thomson ont également lancé de leur côté des études pour la définition d'un format de disque. En 1994, des désaccords sur les technologies utilisées et la propriété des brevets entraînent la rupture entre Philips et la Warner Home Video. Le coup est rude pour Lieberfarb qui, depuis le début, s'emploie à faire travailler ensemble les industriels concernés. Quelques mois plus tard, la direction de Philips annonce qu'elle a décidé de travailler en collaboration avec Sony pour la mise au point de leur propre standard. Cette annonce entraîne un reclassement des industriels autour de deux pôles concurrents : d'un côté, Toshiba et Warner, unis désormais pour le meilleur et pour le pire, de l'autre, Sony et Philips, qui entendent bien prendre les devants dans la course aux brevets qui s'annonce. Cette même année, Thomson, Panasonic et Pioneer s'accrochent officiellement au « wagon » Toshiba-Warner. On va vers la guerre des standards.
Eviter à tout prix cette dernière, telle est la priorité de Lieberfarb, qui n'a pas oublié la lutte féroce qui, dans les 70's, avait opposé les trois technologies concurrentes de magnétoscopes, VHS, Bétamax et V2000. Coups de téléphone, réunions, déjeuners ou dîners d'affaires n'y feront rien : Warren Lieberfarb n'arrive pas à mettre tout le monde d'accord. L'idée même du disque vidéo semble alors compromise, et ce alors que le marché du VHS ne cesse de régresser. Lorsque, dans les derniers jours de décembre 1994, Philips et Sony présentent officiellement à Tokyo leur technologie, rares sont ceux qui parient sur une issue rapide de ce gigantesque conflit industriel. Warren Lieberfarb change alors de stratégie : à défaut de convaincre les industriels, il va s'employer à rallier à sa cause les producteurs de cinéma. Avec le secret espoir de faire ainsi pression sur les premiers pour les obliger à définir un standard commun. Tâche immense tant les relations entre les grands studios - Columbia, Paramount, MGM, Universal - sont médiocres. Début 1995, Lieberfarb retrouve Stephen Einhorn, patron de New Line Entertainment. Einhorn est un homme respecté à Hollywood et son opinion pèse un poids certain dans la profession. Pendant deux heures, Warren Lieberfarb lui explique les enjeux de la bataille industrielle qui se livre. Ensemble, les deux hommes décident de convaincre un à un les patrons des grands studios. Des dizaines et des dizaines de coups de téléphone seront nécessaires pour arracher le consentement des producteurs. Lorsque, le 24 janvier 1995, la Warner Home Video et Toshiba présentent à leur tour, à Beverly Hills, leur technologie, ils sont entourés d'une impressionnante brochette d'industriels et de producteurs. Outre Hitachi, Matsushita, Mitsubishi, JVC, Pioneer et Thomson, il y a là les patrons de la Metro-Goldwyn-Mayer, d'Universal et de Turner. A ce moment, l'avantage est clairement dans le camp de Lieberfarb. Ce qui n'empêche pas Sony et Philips de continuer à travailler sur leur standard. Pour les deux partenaires, il ne fait aucun doute que les producteurs d'Hollywood finiront par se rallier au format le plus avantageux pour eux, et ce quelles que soient leurs intentions initiales. Exaspéré par la résistance de ses concurrents, Lieberfarb tente même de les faire plier en les menaçant de saisir les tribunaux au motif qu'ils abusent de leur position dominante en matière de brevets. En vain...
Pour arracher définitivement le morceau, le patron de la Warner Home Video va alors jouer sa dernière carte : l'industrie informatique. Pour cela, Warren Lieberfarb a recours aux grands moyens. En février 1995, il organise dans les studios de la Warner une projection du « Fugitif » sur un DVD au standard Warner-Toshiba devant tous les grands de l'informatique. Le choix de ce film aux scènes d'action s'avère judicieux. Les industriels peuvent se rendre compte de la qualité du son et de l'image. Dans les jours qui suivent la projection, le monde de l'informatique rend officiellement son verdict : ce sera le standard Warner-Toshiba.
L'heure est désormais à la « paix des braves ». A l'été 1995 puis en décembre 1995, les plus grands industriels de la vidéo annoncent officiellement qu'ils se sont mis d'accord sur un standard commun. Le DVD, « Digital Versatil Disc », plus connu aujourd'hui sous son nom de « Digital Video Disc », vient de naître. Une victoire éclatante pour Warren Lieberfarb qui a mené de main de maître le combat pour l'adoption d'un standard unique. Les choses, ensuite, vont très vite : les premiers lecteurs de DVD font leur apparition au Japon à la fin de l'année 1996. Ils sont aux Etats-Unis au début de l'année suivante et en Europe un an plus tard. Le succès de la nouvelle technologie est immédiat. En 2001, 55 millions de lecteurs et 500 millions de disques auront déjà été vendus dans le monde. Une gigantesque manne financière qui a contribué à relancer de manière spectaculaire l'industrie de la « home video ».
En décembre 2002, Barry Meyer, le patron de la Warner Bros, lui a en effet brutalement signifié son congé.
Warren Lieberfarb a reçu la Décoration des Arts et des Lettres des mains du ministre français de la Culture et de la Communication, Jean-Jacques Aillagon, et la médaille du festival à Cannes.
Master class Rencontre avec Warren Lieberfarb, inventeur du DVD le mercredi 15 octobre à l'Institut Lumière à 17h30
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