Un mauvais fils

Pour le critique Claude Beylie, Un mauvais fils est le « portrait d’un enfant déçu, peint par un homme au regard clair » (Pariscope, 29 octobre 1980). Cet enfant déçu est Bruno, magistralement interprété par Patrick Dewaere, immense de sensibilité et de pudeur. Déçu par ce que lui réserve la vie, mais surtout par sa relation avec son père, un homme obtus, borné, muré dans une dureté toute paysanne, sans aucune capacité de compréhension. Le jeune homme, hypersensible, perméable à tous les affronts de la vie, est rendu responsable du suicide de sa mère.

Bruno revient dans une société en perdition, qui tente de surnager dans le marasme. Car au-delà des conflits individuels, Claude Sautet met en scène la douleur banale, la souffrance quotidienne, avec, comme à son habitude, une très grande pudeur et une élégance rare. Pour la première fois, il traite d’un personnage bien plus jeune que lui, ce qui lui permet de s’aventurer plus aisément sur le terrain des conflits de générations, du désarroi de la jeunesse, du mal de vivre, de la drogue…
Les personnages sont filmés à travers des fenêtres, des vitrines, matérialisant leur isolement. Sautet affectionne particulièrement ce mode opératoire qu’il avait déjà utilisé dans plusieurs films, dont Max et les ferrailleurs avec ce plan sublime de Romy Schneider en imper regardant Max s’éloigner.
Claude Sautet se serait-il inspiré de sa propre vie pour Un mauvais fils ? Graziella, son épouse, ne le pense pas, trouvant l’auteur finalement très éloigné du personnage de Patrick Dewaere. Mais de son côté, Philippe Sarde confie le contraire à N.T. Binh et Dominique Rabourdin pour Sautet par Sautet (éd. de La Martinière) : « Ce film était autobiographique sur le personnage du père bien sûr, sur son penchant alcoolique, mais autobiographique surtout sur le personnage du fils. Patrick, dans ce film, a toute l’étrangeté, la pudeur, la difficulté à s’exprimer qu’avait Claude dans la vie. »
Mais Un mauvais fils, ce sont aussi de superbes moments de joies et de répits, offerts par des personnages portant l’espoir, comme Drussart, humaniste et généreux, lumière du film, personnages affirmant leur emprise sur le monde. Claude Beylie de conclure : « C’est, après une heure trente de tensions et de frémissements, comme un combat qui s’achève, comme la mer étale après la tempête, comme l’espérance d’un bonheur tout neuf. C’est la réussite d’une opération à cœur ouvert. » (Pariscope, 29 octobre 1980)

Depardieu ou Dewaere
Claude Sautet écrit le synopsis en pensant à Gérard Depardieu. L’acteur a déjà joué avec le cinéaste dans Vincent, François, Paul et les autres… Mais depuis, l’acteur a pris de l’assurance, déborde d’énergie, et Sautet s’interroge : arriverait-il à le rendre assez vulnérable face au personnage du père ?  Finalement, il lui préfère Patrick Dewaere,  un acteur à fleur de peau,  plus proche du Bruno.

Cap ou pas cap ?
Une fois son choix d’acteur fait, Sautet décide de rencontrer Dewaere par l’intermédiaire de son agent Jean-Louis Livi, mais lui confie que la moustache de l’acteur le dérange (« Je le déteste avec ça. »). Bien inspiré, l’acteur se présente au rendez-vous sans moustache, afin dit-il, de montrer au réalisateur qu’il en était « cap ! » Sautet apprendra plus tard qu’on avait vendu la mèche à l’acteur…

Scénario
Pour la première fois, Claude Sautet s’entoure pour le scénario de Daniel Biasini et de Jean-Paul Török. Il travaille dans un premier temps avec Daniel Biasini, second mari de Romy Schneider (celle-ci avait beaucoup insisté pour que les deux hommes travaillent ensemble).
Il poursuit seul une première mouture du scénario, avant de s’adjoindre l’aide du critique et historien du cinéma, Jean-Paul Török. L’homme, ne venant pas d’un milieu ouvrier, se documente, ce qui sera pour Sautet « son apport le plus intéressant, plus que son travail sur les dialogues et la structure. »

César
Jacques Dufilho reçoit le César du meilleur acteur dans un second rôle, en grande partie grâce à son inoubliable monologue.