Après Garçon !, Claude Sautet se sent pris au piège de son cinéma et de ses personnages qui finissent par lui « coller à la peau » : pour beaucoup, la confusion entre le cinéaste, ses acteurs et leurs rôles estx-- totale. La solution – ou peut-être même l’issue – viendra de Philippe Carcassonne, critique de cinéma se lançant dans la production. Il propose à Sautet de faire un film avec lui à condition de ne reprendre de son équipe que la scripte et la monteuse. Une résurrection pour le cinéaste. La résurrection est également le sujet de Quelques jours avec moi. Celle d’un jeune homme, Martial, désintéressé de tout et de lui-même, ni heureux, ni malheureux. Grâce à sa rencontre avec l’inénarrable Fonfrin (magnifiquement interprété par Jean-Pierre Marielle), véritable moteur du film, Martial revient peu à peu au monde, en se jouant allègrement de ce directeur de supermarché. La manipulation était déjà présente dans Max et les ferrailleurs, mais ici, Martial est bien plus sympathique que Max. La quête de rédemption (par le meurtre de Rozinsky pour Max et le crime assumé par Martial) rapproche également les deux personnages, mais l’innocence de Martial marque une vraie différence. Sa résurrection se joue aussi grâce à Francine, la jeune et belle domestique des Fonfrin. Elle est « la première personne à qui [il a] envie de parler depuis des années. » Ému par sa sincérité, il revient à la vie, et décide de tout abandonner pour elle, de se délester de son bagage d’héritier. Mais cet amour déraisonnable et soudain le mène à sa perte.
Claude Sautet, pour la première fois, filme un personnage seul, taciturne, autour duquel se met finalement en place un groupe et une solidarité. C’est la première fois également qu’il mélange à ce point les genres, de la comédie au drame.
Symbole de cette résurrection de Martial (ainsi que du metteur en scène), cette scène incroyable de la soirée donnée chez Martial et Francine : un joyeux mélange de deux mondes, celui des notables de province et celui de jeunes marginaux, dans un défoulement complet et une euphorie aidée par quelques cocktails, et des perruques enflammées… Une scène carnavalesque, initialement prévue pour durer sept minutes. Elle en fera vingt !
« Il y a du Wilder dans Quelques jours avec moi, mais aussi du Lubitsch (idole de Sautet) : on songe à Haute pègre (1932), dans la manière d’exonérer l’escroc sympathique (Fonfrin), tout en démasquant le capitaliste détourneur de fonds (Bassompierre), et aussi à La Folle Ingénue (1947), avec l’union sacrilège du libre-penseur et de la domestique délurée. » N.T. Binh (Sautet par Sautet, Dominique Rabourdin et N. T. Binh, éd. de La Martinière)
Des chiffres qui rassurent
Claude Sautet confiera avoir mis un peu de lui dans Martial, dont ce goût des chiffres et du calcul pour cet ex-cancre en maths. Le cinéaste compte en permanence, histoire de se rassurer. « Quand je marche sur une plage, je compte mes pas, quand je nage, mes brasses. Je crois que si je ne comptais plus, je coulerais ! »
Des acteurs à convaincre
Daniel Auteuil, en pleine ascension suite à son rôle d’Ugolin dans Jean de Florette (Claude Berri, 1986) – et surtout connu pour ses personnages comiques – refuse tout d’abord le rôle, mal à l’aise avec ce personnage qui ne s’intéresse à rien, un peu autiste. Sandrine Bonnaire aussi s’interroge et décline ce rôle qu’elle considère trop proche d’elle-même, souhaitant à ce moment de sa carrière interpréter un grand personnage. Les deux comédiens se laissent finalement convaincre et endossent leurs rôles avec brio et sincérité. Une interprétation admirable qui ouvrira à Daniel Auteuil une nouvelle voie.
Un rêve de cinéaste
Sautet rêve depuis longtemps de faire jouer Jean-Pierre Marielle. Il lui trouve l’humour et le cynisme, ainsi que l’innocence du petit escroc, nécessaire à son Fonfrin. Si l’acteur refusait, il ne voyait personne pour le remplacer. Marielle est emballé par le personnage et le sens du film : « Mais ce Martial va être une sorte de Dieu pour Fonfrin ! »
Featuring Danielle Darrieux
C’est Jacques Fieschi, coscénariste du film, qui propose la grande Danielle Darrieux
pour le petit rôle de la mère de Martial. Même si, de ses propres mots, « ce n’est pas le rôle de [sa] vie ! », elle accepte de bon cœur et avec grand professionnalisme, toujours prête à 9 heures, attendant patiemment (« Ça ne fait rien, je m’amuse beaucoup ! »), recommençant les scènes, parfois dix fois, face à un Daniel Auteuil très impressionné.
Quelques jours avec moi
France, 1988, 2h11, couleurs, format 1.66
Réalisation : Claude Sautet
Scénario : Claude Sautet, Jacques Fieschi, Jérôme Tonnerre, d’après le roman Quelques jours avec moi de Jean-François Josselin
Photo : Jean-François Robin
Musique : Philippe Sarde
Montage : Jacqueline Thiédot
Décors : Carlos Conti
Costumes : Olga Berluti, Nino Cerruti
Production : Alain Sarde, Philippe Carcassonne, Sara Films, Cinéa, Films A2
Interprètes : Daniel Auteuil (Martial), Sandrine Bonnaire (Francine), Jean-Pierre Marielle (M. Fonfrin), Dominique Lavanant (Mme Fonfrin), Vincent Lindon (Fernand), Thérèse Liotard (Régine), Gérard Ismaël (Rocky), Philippe Laudenbach (M. Maillotte), Tanya Lopert (Mme Maillotte), Dominique Blanc (Georgette), Jean-Pierre Castaldi (Max), Elisa Servier (Lucie), Xavier Saint-Macary (Paul), Alain Doutey (le commissaire), François Chaumette (Bassompierre), Jean-Louis Richard (le docteur Appert), Maurice Travail (M. Travail), Carlo Nell (le barman), Danielle Darrieux (Suzanne Pasquier)
Sortie en France : 24 août 1988
FILM RESTAURÉ
StudioCanal
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