Overlord

En juin 1972, Stuart Cooper est engagé pour réaliser un documentaire de vingt minutes sur les Overlord Embroidery, tapisseries britanniques commandées en 1968 par lord Dulverton en hommage aux forces alliées débarquées sur les plages normandes de 1944. C’est en faisant des recherches dans les archives de l’Imperial War Museum qu’il découvre les films (la plupart en copies nitrate) relatifs à la Seconde Guerre mondiale. 3000 heures de recherches entre 1971 et 1975, entre archives filmiques et lettres et journaux de soldats, pendant lesquelles l’idée de lier archives et narration fictionnelle voit le jour. Le scénario sera intimement lié aux documents découverts : construite autour des images trouvées, la partie fiction sera inspirée des journaux intimes choisis, véritable extension de la partie documentaire. C’est la naissance d’Overlord, film unique parmi les films de guerre.

Plongée dans l’horreur à travers les yeux de Tom Beddows, Overlord est une dénonciation sans fard de la machine de guerre, broyeuse de jeunesse et d’humanité. Hiérarchie, infantilisation, carnages, Stuart Cooper donne de la guerre une vision peu héroïque. Les images d’archives (bombardements de Londres, prises de vues aériennes, préparatifs d’Overlord) donne certes au film une caution réaliste, mais surtout une authenticité vibrante et un ton unique. Rarement les terreurs et l’isolement des conflits ont été si bien retranscrits sur grand écran, donnant à méditer sur la faiblesse de l’homme face au Moloch guerrier. Dans un noir & blanc splendide, la photo de John Alcott donne un ton impressionniste surprenant, ajoutant à la poésie de cette ode à la jeunesse.
Film extrêmement rare (dans les années 1970, il ne fut distribué qu’au Danemark et au Japon), Overlord a été restauré par Stuart Cooper lui-même. Rendu à son état originel, Overlord est une œuvre poétique nécessaire qui séduira jusqu’à Stanley Kubrick. Lors de sa rencontre avec Stuart Cooper, le réalisateur des Sentiers de la gloire (Paths of Glory, 1957) confiera : « Le seul problème avec Overlord, c’est qu’il soit d’1h30 trop court ! » (A Camera Instead of a Rifle, Stuart Cooper, The Guardian, 18  janvier 2008)

Nom de code
"Overlord" désigne le plan d’ensemble des Alliés visant à ouvrir un nouveau front à l’ouest de l’Europe. L’opération Overlord s’est déroulée en France, du 6  juin 1944 jusqu’à la libération du Havre, le 12  septembre 1944.

Flegme britannique
Lorsqu’il commence ses recherches au sein des archives filmiques de l’Imperial War Museum, Cooper rencontre la conservatrice des films, Anne Fleming. Elle l’interroge sur ce qu’il veut voir : tout ! C’est noté. Viendra-t-il du lundi au vendredi ? : oui. « Très bien, Mr Cooper, si vous venez du lundi au vendredi, de 9h à16 h, vous devriez avoir consulté l’ensemble de la collection dans environ neuf ans. » Elle lui suggéra donc judicieusement de consulter le catalogue pour limiter sa recherche…

Matériel d’époque
Afin de reproduire au mieux l’atmosphère de l’époque, Stuart Cooper et son chef opérateur John Alcott décident d’utiliser une pellicule Kodak d’origine allemande et des lentilles de caméra militaire des années 1930.

Alcott
La superbe photographie est l’œuvre de John Alcott. Il reçoit un Oscar pour son premier film avec Stanley Kubrick, Barry Lyndon (1975), avant d’en devenir un collaborateur fidèle.

Festival
En 1975, Stuart Cooper remporte le prix spécial du Jury du Festival de Berlin. En 2004, il sera invité à Telluride. Dix ans plus tard, restauré, Overlord est présenté à Cannes Classics, en avant-première mondiale.