Myrtle Gordon (Gena Rowlands), célèbre comédienne de théâtre, est la vedette de la pièce The Second Woman, écrite par Sarah Goode (Joan Blondell), mise en scène par Manny Victor (Ben Gazzara) et interprétée par Maurice Aarons (John Cassavetes) ; tous forment son équipe habituelle. Après une représentation à New Haven, elle assiste à la mort d’une jeune admiratrice passionnée, Nancy Stein (Laura Johnson), renversée par une voiture sous une pluie torrentielle. Myrtle vascille.
« J’aime montrer des êtres qui analysent réellement l’amour, en discutent, le détruisent, se battent entre eux… C’est là le sujet qui m’intéresse le plus : l’amour, le manque d’amour, la mort de l’amour, la douleur qu’entraîne la perte des êtres et des choses qui nous sont le plus nécessaire… » (John Cassavetes)
Comédienne sans homme ni enfant, seule avec son métier, Myrtle Gordon perd pied à la suite de la mort violente d’une admiratrice. Elle remet tout en cause, son rôle de femme vieillissante dans The Second Woman, son texte, sa capacité à l’incarner, son souhait même de le faire… Sombrant de plus en plus, elle commence à avoir des hallucinations et à revoir Nancy, la jeune admiratrice décédée (c’est la première fois que le fantastique et l’irrationnel font irruption dans le cinéma de Cassavetes). Pourtant respectée et au sommet de sa carrière, l’actrice quadragénaire est à un tournant : Nancy est l’image d’elle jeune, Sarah, l’auteur septuagénaire de la pièce, celle de son futur. Myrtle, entêtée, refuse l’étiquette qu’on veut lui donner. Elle est prisonnière de sa carrière, et son partenaire lui affirmera : « Tu n’es pas une femme, tu es une pro ! » Au prix d’une violente séance de thérapie et d’une lente descente aux enfers, Myrtle triomphe lors de la première de la pièce, l’opening night. Dans une superbe scène, Myrtle (Gena Rowlands, éblouissante d’élégance et de beauté), bien qu’ivre, se redresse et affronte seule, et avec une dignité absolue, ce rôle qu’elle détestait tant.
Avec Opening Night, Cassavetes filme au plus près les réactions d’une femme face au temps qui passe, à la peur d’être moins aimée, moins désirable, et après une longue marche solitaire, son instinct de survie. Il signe aussi un film sur la vie d’artiste et particulièrement, celle des acteurs, qui n’ont rien d’autre à vendre qu’eux-mêmes et à qui la moindre blessure laisse une cicatrice.
La mise en scène de Cassavetes atténue les différences entre fiction et réalité, entre l’art et la vie. Les scènes de théâtre sont filmées au plus près, sans rideau ou plateau, sans cette distance qu’impose cette discipline. À l’inverse, lorsque Myrtle est chez elle, son appartement est vaste et vide, tel un plateau à meubler. La caméra de Cassavetes est très proche de Myrtle, intime et mobile, l’observe dans tous ses comportements.
Film préféré de Cassavetes (il confiera que Myrtle est la femme qu’il a aimé le plus), Opening Night est un véritable objet de culte pour ses admirateurs. Pedro Almodóvar s’en inspirera pour Tout sur ma mère dans la scène du décès du jeune admirateur.
Émotion active
Dans Conversations avec Pedro Almodóvar (Frédéric Strauss, Cahiers du cinéma), le réalisateur relate son émotion : « J’ai reçu [Opening Night] comme la confidence de quelqu’un, et à laquelle je participe pleinement, c’est une émotion active. C’était le moment le plus intense de ma vie depuis des mois. Je serais tellement fier si je pouvais faire un film comme celui-là. Il y a tous les éléments que j’aime dans les histoires et au cinéma : une actrice, une pièce de théâtre, le rapport avec le metteur en scène, l’amant qui est un acteur et un incommensurable océan de douleur ! »
Sortie
Opening Night ne bénéficiera pas d’une sortie nationale aux États-Unis. En France, il ne sortira qu’en 1992, et fera l’objet d’une séance spéciale au Festival de Cannes pour les quinze ans de sa réalisation.
Cassavetes, acteur chez cassavetes
Lorsqu’il passe derrière la caméra, après une déjà belle carrière de comédien, John Cassavetes déclare qu’il lui semble difficile d’être metteur en scène d’un film et également, d’y être interprète. Avec Opening Night, c’est pourtant la troisième fois qu’il le fait (après Husbands en 1970, et Minnie and Moskowitz l’année suivante), et renouvellera l’expérience une dernière fois avec Love Streams en 1984.
Opening Night
États-Unis, 1977, 2h24, couleurs (Metrocolor), format 1.85
Réalisation & scénario : John Cassavetes
Photo : Al Ruban
Musique : Bo Harwood
Montage : Tom Cornwell
Décors : Bryan Ryman
Costumes : Alexandra Corwin-Hankin
Production : Al Ruban, Faces Distributing Corporation
Interprètes : John Cassavetes (Maurice Aarons), Gena Rowlands (Myrtle Gordon), Joan Blondell (Sarah Goode), Ben Gazzara (Manny Victor), Paul Stewart (David Samuels), Zohra Lampert (Dorothy Victor), Laura Johnson (Nancy Stein), John Tuell (Gus Simmons), Ray Powers (Jimmy), John Finnegan (l’accessoiriste), Louise Finch (Kelly), Fred Draper (Leo), Katherine Cassavetes (Vivian), Lady Rowlands (Melva Drake), Carol Warren (Carla), Briana Carver (Lena), Angelo Grisanti (Charlie Spikes), Meade Roberts (Eddie Stein), Eleanor Zee (Sylvia Stein), David Rowlands (le portier), Sharon Van Ivan (Shirley)
Présentation au Festival de Berlin : février 1978
Sortie aux États-Unis : 22 décembre 1977
Sortie en France : 13 mai 1992
FILM RESTAURÉ
Orly Films
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