Poursuivant son travail de cinéaste, Ida Lupino réalise Faire face quelques mois seulement après Avant de t’aimer, fidèle à son but de « faire des films sur de pauvres êtres désemparés, car c’est ce que nous sommes. »
Comme Sally dans Avant de t’aimer, Carol est encore une toute jeune femme lorsque tout son univers vacille suite à un choc. Ici ce sera la maladie, la poliomyélite, qui bien que curable, frappe Carol dans ce qu’elle a de plus cher, la danse. Comment supporter ? Comment vaincre ? Comment faire face ? Avec une grande justesse, la jeune actrice Sally Forrest va donner corps aux sentiments de son personnage : une rage folle face à son impuissance et son incomplétude, une haine de soi, puis le retranchement dans l’échec et la solitude. Viendra enfin le temps de l’acceptation et de la lutte contre le découragement et l’amertume, car au-delà de la guérison, Carol doit selon son expression « apprendre à devenir une femme ».
Ida Lupino porte de nouveau attention à cette classe moyenne américaine, ces oubliés du cinéma qui n’ont que rarement les honneurs d’Hollywood. Comme dans Avant de t’aimer, l’aspect documentaire du film est extrêmement juste et le centre de rééducation très réaliste. Sans doute l’histoire personnelle d’Ida Lupino, qui fut elle-même atteinte de la polio à 15 ans, aura-t- elle aidé. La mise en scène de Faire face est dépouillée de tout effet superflu, laissant toute sa place au sujet. Si comme l’écrit Jacques Lourcelles dans son Dictionnaire des films (Robert Laffont), « les histoires préférées d’Ida Lupino racontent la lente cicatrisation d’une blessure », en aucun cas la réalisatrice ne verse dans le mélodrame : ici, aucun triomphalisme, Carol est médicalement guérie mais son avenir reste incertain. Une charge émotionnelle exceptionnelle doublée d’une poétique de l’errance.
« Lupino nous offre une anatomie de la mélancolie contemporaine. Sans relâche, elle traque, isole, identifie les virus qui menacent ses patients : apitoiement sur soi, autopunition, fierté déplacée, cynisme, désespoir… Tout en se gardant des excès du mélodrame : il y a toujours un antidote à ces poisons que secrète le cœur blessé. » (Michel Henry Wilson, Positif, n° 540, février 2006)
Mac-Mahoniens
C’est grâce au travail et à la passion de Pierre Rissient et Bertrand Tavernier que Faire face sera enfin visible sur les écrans parisiens à la fin des années 1960. Pierre Rissient distribue alors le film ainsi que Avant de t’aimer et Bigamie. Ce sera malheureusement un échec. Mais les deux hommes, fers de lance des ciné-clubs et de la cinéphilie française, continueront de défendre la cinéaste.
Similitudes
Faire face est interprété par le même couple d’acteurs que Avant de t’aimer : Sally Forrest et Keefe Brasselle. Mais les points communs ne s’arrêtent évidemment pas là : la similitude entre les scènes inaugurales et finales des films est un veritable pont entre les deux œuvres.
Danseuse
Sally Forrest, danseuse et assistante chorégraphique professionnelle, a commencé sa carrière au cinéma avec des petits rôles de danseuse. C’est Ida Lupino qui lui offre ses premiers personnages importants.
Faire face (Never Fear / Young Lovers )
États-Unis, 1949, 1h21, noir et blanc, format 1.37
Réalisation : Ida Lupino
Scénario : Ida Lupino, Collier Young
Photo : Archie Stout
Musique : Leith Stevens
Montage : William Ziegler, Harvey Manger
Décors : Van Nest Polglase, Joseph Kish
Production : Ida Lupino, Collier Young, The Filmakers
Interprètes : Sally Forrest (Carol Williams), Keefe Brasselle (Guy Richards), Hugh O’Brian (Len Randall), Eve Miller (Phyllis Townsend), Lawrence Dobkin (le docteur Middleton), Rita Lupino (Josie), Herbert Butterfield (Walter Williams), Kenny O’Morrison (Red Dawson), Stanley Waxman (le docteur Taylor), Jerry Hausner (M. Brownlee), John Franco (Carlos)
Sortie aux États-Unis : 29 décembre 1949
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