Nelly et Monsieur Arnaud est le dernier film de Claude Sautet, disparu cinq ans après, en 2000. Beaucoup y chercheront une valeur testimoniale. Mais Nelly et Monsieur Arnaud est avant tout une synthèse de l’œuvre du cinéaste, à ce moment-là en voie de réhabilitation générale, et la prolongation du tournant engagé par Quelques jours avec moi. Sautet peint une rencontre improbable et un amour impossible : d’un côté, Monsieur Arnaud, riche bourgeois, fantasque, homme d’affaire retraité ; de l’autre, Nelly, une jeune femme fière et réservée, vivant dans une réelle incertitude affective. Il l’agace, puis l’amuse, l’épate par ses histoires, elle l’écoute. Il se donne en spectacle, et lui manifeste un attachement débordant, parfois confinant à la jalousie. Mais la distraction devient attraction.
Cette relation, mystérieuse et fascinante, est également exclusive. Les autres personnages, brillants seconds rôles, ne sont que les témoins de cette histoire. Le duo prend toute la place. Emmanuelle Béart est sobre et poignante, tandis que l’on découvre un Michel Serrault retenant les émotions jusqu’à la dernière limite, et introduisant dans son personnage ruse et malice. La similitude entre le cinéaste et son personnage surprend d’ailleurs : même âge, même allure… Pour Claude Sautet, « Michel a eu un réflexe de comédien. Regarder son metteur en scène, l’imiter, c’est une façon d’entrer dans le personnage… »
L’économie de paroles, la sobriété et l’élégance de la mise en scène, une histoire seulement dictée par les évolutions sentimentales et intérieures des personnages, le dépouillement de l’intrigue… Claude Sautet choisit l’épure pour explorer les zones secrètes de l’âme humaine.
Une image marque par sa beauté : celle de Nelly endormie et de Monsieur Arnaud l’observant. « Il y a entre eux, à ce moment-là, un pacte nocturne qui fait saisir à Monsieur Arnaud l’impossibilité de la continuité de leurs rapports », expliquera Claude Sautet à Michel Boujut (Conversations avec Claude Sautet, Actes Sud/Institut Lumière).
« Profondément pessimiste et particulièrement brillant, Nelly et Monsieur Arnaud est le meilleur film d’un grand cinéaste arrivé à l’apogée de son talent. Chaque plan, chaque raccord sont des merveilles de finesse et de discrétion. Si Sautet montre et ordonne tout avec une précision maniaque, il ne souligne rien. Échappant ainsi à l’écueil de l’académisme, son film a l’élégance de la grande tradition classique. » (Frédéric Bonnaud, Les Inrockuptibles, 18 octobre 1995)
Michel Serrault ?
C’est Alain sarde, producteur du film, qui propose à Claude Sautet de prendre Michel Serrault pour le rôle de Monsieur Arnaud. Le cinéaste en tombe de son fauteuil, ayant une image assez trouble de l’acteur, entre ses rôles comiques et ses « folies surréalistes ». Mais le talent et la modestie de l’acteur lors de leurs rencontres convainc Sautet, qui, lorsqu’il demande à Serrault si le rôle l’intéresse, se voit répondre : « Et moi, est ce que je vous intéresse ? »
Inspiration
« De vieux messieurs en compagnie de toutes jeunes femmes, sans qu’il y ait entre eux de relation de famille ou de prostitution. Je me demandais toujours ce qui pouvait bien les rapprocher et ce qui faisait qu’ils avaient plaisir à être ensemble. » Voici donc le point de départ de Nelly et Monsieur Arnaud, souvenir d’une image régulièrement observée dans les cafés si chers au cinéaste : « C’est là que tout arrive, je n’ai plus besoin de vous convaincre ! »
Romy, Emmanuelle et Claude
Depuis Un cœur en hiver, une véritable affection est née entre Emmanuelle Béart et Claude Sautet. De conseils en échanges, le cinéaste lui parle quelquefois de Romy Schneider. Elle confiera à N.T Binh et Dominique Rabourdin : « Je crois qu’il a préparé le terrain pour la suite de ma vie, et ce qui me fait le plus de peine en tant qu’actrice, c’est que je pensais qu’il m’offrirait le rôle de mes 40 ans, qu’il serait le seul à avoir envie de me voir en femme de 40 ans. » Disparu en 2000, Claude Sautet n’aura pas le temps d’offrir à l’actrice son Histoire simple.
Mister ou Monsieur ?
À la sortie du film, tous les documents promotionnels se voient affublés du titre Nelly et Mr. Arnaud. Une faute de typographie donnant au personnage une connotation aussi britannique qu’incompréhensible.
Récompenses
Claude Sautet recevra le César du meilleur réalisateur (pour la seconde fois) et Michel Serrault, celui du meilleur acteur. Le film se verra aussi récompensé par le Prix Louis Delluc.
Nelly et Monsieur Arnaud
France, Italie, Allemagne, 1995, 1h47, couleurs (Fujicolor), format 1.66
Réalisation : Claude Sautet
Scénario : Claude Sautet, Jacques Fieschi, avec la collaboration de Yves Ulmann
Photo : Jean-François Robin
Musique : Philippe Sarde
Montage : Jacqueline Thiédot
Décors : Carlos Conti
Costumes : Catherine Bouchard
Production : Alain Sarde, Les Films Alain Sarde, TF1 Films Production, Cecchi Gori Group Tiger Cinematografica, Prokino Filmproduktion GmbH
Interprètes : Michel Serrault (Monsieur Arnaud), Emmanuelle Béart (Nelly), Jean-Hugues Anglade (Vincent), Claire Nadeau (Jacqueline), Françoise Brion (Lucie), Michèle Laroque (Isabelle), Michael Lonsdale (Dollabella), Charles Berling (Jérôme), Jean-Pierre Lorit (Christophe), Michel Albertini (Taieb), Coraly Zahonero (Marianne), Graziella Delerm (Laurence), Olivier Pajot (Jean-Marc), Alexandre Chappuis (Luc), Karine Foviau (Sandrine), Laure Chamay (cliente de bistro), Sylvie Jobert (Valérie), Janine Souchon (Maria), Judith Vittet (Bénédicte)
Sortie en France : 18 octobre 1995
FILM RESTAURÉ
StudioCanal
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