Paris, 1942. Dans la France occupée par les Allemands, Robert Klein (Alain Delon), quadragénaire riche et séduisant, originaire d’Alsace, fait des affaires. Alors qu’il vient de racheter à très bas prix un tableau de maître à son propriétaire juif, il découvre dans son courrier un exemplaire des Informations juives portant son nom et son adresse. Inquiet, il enquête et découvre que son nom figure sur le fichier de la préfecture de police. Un autre Robert Klein existe, il part à la recherche de cet homonyme.
Premier film français de Joseph Losey, Monsieur Klein est, selon son auteur, « une fable en guise d’avertissement. » Plongeant Klein dans un cauchemar crépusculaire, Joseph Losey livre une réflexion sur l’identité, son obtention, sa quête et sa perte. Indifférent aux autres, Monsieur Klein profite des conséquences de l’occupation allemande pour faire des affaires. Pris pour un autre Klein (juif et résistant), il se débat pour prouver son identité, mais l’appareil bureaucratique est en marche : plus il se débat, plus il est suspect. Alors il enquête sur cet autre Klein, découvre les lieux et les gens qu’ils fréquentent, son milieu…
Losey dessine progressivement un Klein n°2 introuvable mais bien plus réel que le personnage d’Alain Delon. À la recherche de son homonyme, Klein poursuit sa propre identité et interroge sa propre culpabilité. Prisonnier de sa quête, il finira par s’approprier peu à peu l’identité et le destin du Klein n°2. Film sur la dépossession de soi, mais également analyse de l’État policier, Losey intègre à Monsieur Klein des plans abstraits des services de renseignements à l’œuvre, de la mise en place de la rafle du Vél’ d’Hiv’ : pendant que Klein se perd dans une quête sans fin, le « rouleau compresseur détruit lentement mais sûrement. »
Monsieur Klein offre à Alain Delon (également producteur du film) un de ses plus beaux rôles. Joseph Losey avait un profond respect pour l’acteur et une juste analyse de l’homme et de son rôle : « Ce personnage est très complexe, et Alain est aussi – c’est mon avis, qu’il ne partage peut-être pas – une personnalité assez autodestructrice et à la recherche de sa propre identité. Tous les aspects de sa vie sont d’une grande complexité et souvent contradictoires. » (Michel Ciment, Kazan, Losey – Entretiens, Stock)
Laissant toute sa place au propos kafkaïen, Joseph Losey adopte une mise en scène sobre. Les décors de Trauner sont – comme toujours – sublimes, et la photo de Gerry Fisher, aux couleurs à la limite du noir et blanc, donne au film une atmosphère très particulière.
« Losey a évité en particulier deux écueils majeurs : celui de la reconstitution réaliste et celui de la parabole abstraite. C’est contrairement à ce que lui ont reproché certains, cette double démarche à la recherche d’une stylisation du réel et d’une aura fantastique qui fait de cette parabole kafkaïenne la plus terrible accusation que l’on ait portée sur une certaine France. » (Michel Ciment, Positif, n° 183/184, juillet-août 1976)
Génèse
En 1976, Joseph Losey souhaite adapter À la recherche du temps perdu de Proust, mais n’arrive pas à boucler le projet. Il se voit proposer le scénario de Monsieur Klein, sous le charme duquel Delon est tombé. Losey appelle Delon : l’acteur accepte si c’est le cinéaste qui le dirige. L’affaire est entendue.
Deuxième
Monsieur Klein est le deuxième film de Joseph Losey dans lequel tourne Alain Delon. Les deux hommes avaient déjà travaillé ensemble pour L’Assassinat de Trotsky (The Assassination of Trotsky, 1972), début d’une profonde amitié.
« Nous vous rendons nos étoiles jaunes »
Pour la scène du Vel’ d’Hiv’, Losey fait appel à plusieurs associations juives pour trouver quelques milliers de figurants. Le premier jour de tournage, bouleversés par le réalisme de la scène, les plus âgés renoncent et annoncent au cinéaste : « Nous ne voulons pas être payés et nous vous rendons nos étoiles jaunes, parce que nous ne pouvons supporter de regarder cela pendant trois jours. » (Michel Ciment, Kazan, Losey – Entretiens)
Monsieur Klein
France, Italie, 1976, 2h03, couleurs (Eastmancolor), format 1.66
Réalisation : Joseph Losey
Scénario : Franco Solinas, Fernando Morandi, Costa-Gavras (non crédité)
Photo : Gerry Fisher
Musique : Egisto Macchi, Gustav Mahler (Kindertotenlieder)
Montage : Marie Castro-Vasquez, Henri Lanoë, Michèle Neny
Décors : Alexandre Trauner
Costumes : Annalisa Nasalli-Rocca
Production : Alain Delon, Robert Kuperberg, Jean-Pierre Labrande, Lira Films, Adel Productions, Nova Films, Mondial Televisione Film
Interprètes : Alain Delon (Robert Klein), Jeanne Moreau (Florence), Francine Bergé (Nicole), Suzanne Flon (la concierge), Michael Lonsdale (Pierre), Juliet Berto (Janine), Jean Bouise (le vendeur), Louis Seigner (le père Klein), Michel Aumont (le fonctionnaire de la préfecture), Massimo Girotti (Charles), Fred Personne (le commissaire), Francine Racette (Françoise/Cathy), Roland Bertin (l’administrateur du journal), Étienne Chicot (un policier), Pierre Vernier (un policier), Jacques Maury (le professeur Montandon), Gérard Jugnot (le photographe), Jean Champion (le gardien de la morgue), Magali Clément (Lola), Dany Kogan (Michelle), Maurice Baquet (un musicien), Joseph Losey (l’homme au Vel’ d’Hiv’)
Présentation au Festival de Cannes : mai 1976
Sortie en Italie : 23 septembre 1976
Sortie en France : 27 octobre 1976
FILM RESTAURÉ
Les Acacias
Ressortie le 26 novembre, par Les Acacias Distribution
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