Alors que l’Amérique des années 1950 vit dans la peur d’un désastre atomique, Jack Arnold, roi du film de science-fiction pour Universal, réalise L’Homme qui rétrécit, chef-d’œuvre du genre et sans doute son meilleur film. Mélange de tragique, d’épouvante, mais aussi de comique et d’imagination enfantine, le film de Jack Arnold est l’archétype même du film de série B : sans le sou et génial.
À un rythme trépidant, le héros Scott Carey affronte une série d’épreuves, et plus il rétrécit, plus elles sont énormes. Le monde qui lui était familier devient monstrueux, son paysage quotidien s’avère le terrain du fantastique. Dans des scènes devenues mythiques, le matou se transforme en un fauve de la taille d’un rhinocéros et l’araignée en monstre velu. La lutte pour survivre est incessante. Afin de rendre compte du rétrécissement progressif de son héros, Jack Arnold utilise un arsenal d’effets spéciaux : vêtements trop grands, alliance par split-screen d’un décor surdimensionné pour Scott et d’un décor normal pour sa femme, objets normaux agrandis en surimpression, fausses perspectives, accessoires gigantesques… Un travail est également fait sur le son : la voix de Scott rétrécit avec lui, et les sons extérieurs sont de plus en plus envahissants. Le film accumule des trésors d’inventivité et des effets spéciaux spectaculaires. Mais tout cela au service de l’histoire et non à son détriment.
Car à l’inverse de beaucoup de films de science-fiction, L’Homme qui rétrécit insiste sur les sentiments de son héros et sur leur évolution. Comment survivre à cette irrésistible régression (car aucun espoir de retour n’est envisagé) ? L’état d’esprit de Scott évolue : angoisse, panique, puis acceptation, et enfin sérénité. La portée du film en devient quasi métaphysique : « Même plus petit que tout ce qu’il y a de plus petit au monde, je signifiais encore quelque chose. Pour Dieu, le néant n’existe pas. Moi aussi, j’existe. » Ainsi, comme le zéro n’existe pas, Scott peut partir, presque soulagé, explorer l’infiniment petit, ce nouveau monde qui s’offre à lui.
« L’Homme qui rétrécit présente une adéquation parfaite entre les moyens techniques, le noir et blanc, les truquages, les procédés narratifs et le sujet. Les intentions, claires, sont clairement exprimées tout au long et se dégagent d’elles-mêmes d’un sujet traité selon ses propres ressources, sans facilité ni surcharge. En ces temps où les effets spéciaux sont trop souvent la valeur principale, il est un parfait exemple, qui compte toujours parmi les meilleurs films de science-fiction, d’une utilisation des moyens propres au cinéma pour créer l’illusion et raconter une histoire riche d’humanité. » (Alain Garsault, Positif, n° 455, janvier 1999)
Déboussolés
La légende dit qu’en sortant de la salle de cinéma, les spectateurs de L’Homme qui rétrécit étaient complètement déboussolés et qu’ils n’avaient plus le sens de l’espace et des proportions !
Moyens du bord
Afin de réaliser les énormes gouttes d’eau qui tombent à côté de l’acteur, Jack Arnold se remémore les bombes à eau qu’il réalisait enfant. Il fait un essai avec un préservatif : essai concluant ! Une centaine de boîtes est commandée, un système de lancement est bricolé, tout fonctionne. À la fin du film, la production s’interroge sur cette étrange dépense. Jack Arnold de leur répondre : « Vous savez, ça a été un film très éprouvant à faire, et quand on l’a terminé, on a fait une gigantesque fête ! »
Happy-end
Les studios essayent de faire réaliser une fin heureuse à Jack Arnold : il y aurait une solution médicale, et son personnage retrouverait sa taille normale. Mais il arrive à imposer sa fin métaphysique, en concédant au producteur la notion de Dieu.
Almodóvar et l’amant qui rétrécissait
Dans Parle avec elle, Pedro Almodóvar réalise une parenthèse onirique dans sa narration avec L’Amant qui rétrécissait, film muet en noir et blanc, où un petit personnage se promène sur le corps d’une femme, avant de disparaître dans son sexe.
L’Homme qui rétrécit (The Incredible Shrinking Man )
États-Unis, 1957, 1h21, noir et blanc, format 1.85
Réalisation : Jack Arnold
Scénario : Richard Matheson, d’après son roman The Shrinking Man
Photo : Ellis W. Carter
Musique : Earl E. Lawrence, Joseph Gershenson
Effets spéciaux : Everett H. Broussard, Roswell A. Hoffmann
Montage : Al Joseph
Décors : Robert Clatworthy, Alexander Golitzen, Russell A. Gausman, Ruby R. Levitt
Costumes : Jay A. Morley Jr.
Production : Albert Zugsmith, Universal International Pictures
Interprètes : Grant Williams (Scott Carey), Randy Stuart (Louise Carey), April Kent (Clarice), Paul Langton (Charlie Carey), Raymond Bailey (le docteur Thomas Silver), William Schallert (le docteur Arthur Bramson), Frank J. Scannell (Barker), Helene Marshall (une infirmière), Diana Darrin (une infirmière), Billy Curtis (Midget)
Sortie aux États-Unis : 22 février 1957
Sortie en France : 17 mai 1957
Ce site nécessite l'utilisation d'un navigateur internet plus récent. Merci de mettre à jour votre navigateur Internet Explorer vers une version plus récente ou de télécharger Mozilla Firefox. :
http://www.mozilla.org/fr/firefox