Alors qu’il n’a tourné jusque-là que des films emplis « de cowboys, de gangsters, de maquereaux, de prostituées et de la racaille de l’Ouest », Raoul Walsh est embauché pour réaliser un conte des Mille et une nuits. Hésitant, c’est accompagné de Douglas Fairbanks qu’il visite les décors construits par William Cameron Menzies. Il est convaincu : « Ma décision fut prise à l’instant même. Je mettrais en scène Le Voleur de Bagdad et ce serait mon meilleur film. Voilà comment le génie d’un artiste peut agir sur un autre homme. » (Raoul Walsh, Un demi-siècle à Hollywood, Calmann-Lévy). Tourné en trente-cinq jours (après plusieurs mois de préparation) avec un budget d’un million de dollars (c’est d’ailleurs le premier film à atteindre ce budget), Le Voleur de Bagdad est un chef-d’œuvre du muet et une véritable œuvre à quatre mains. Car si Raoul Walsh en est bien le talentueux metteur en scène, Douglas Fairbanks en est l’instigateur. Scénariste, producteur et rôle-titre, “Doug” n’est jamais bien loin du porte-voix.
Cet irrésistible conte oriental permet à Fairbanks de retrouver les rôles qu’il affectionne : voleur, vagabond, profiteur… Entre aventures et fantastique, Le Voleur de Bagdad est taillé “sur-mesure” pour cet acteur athlétique. Le rythme ne s’essouffle jamais, malgré la durée exceptionnelle du film. Fairbanks bondit de muret en palais, de souk en tapis volant dans une chorégraphie époustouflante. À noter également, l’admirable qualité de la photo.
Enfin, et surtout, Le Voleur de Bagdad est une prouesse technique hors normes pour les années 1920. Les décors gigantesques de William Cameron Menzies sont proches d’un décor d’opéra : palais, bazar, caravansérail, chaque lieu rivalise de beauté. Des effets spéciaux ajoutent à la fantasmagorie : surimpressions, matte-painting, plaques de verre, doubles expositions… Raoul Walsh, aidé à la direction technique par Robert Fairbanks, le frère de Douglas, intègre toutes les innovations possibles. Le clou du spectacle sera l’inoubliable scène du tapis volant. Inspiré par la vision d’un ouvrier métallurgiste sur un chantier, debout sur un chargement de poutrelles soulevé par une grue, Raoul Walsh tient la solution : un tapis tendu sur un châssis soutenu par des câbles peints en blanc, le tout déplacé par une grue de vingt-deux mètres de haut. Lorsque le cinéaste explique son plan à Douglas Fairbanks, celui-ci l’avertit en souriant : « Vas-y, l’Irlandais, mais si tu nous lâches sur un minaret, je te jure que je reviendrai hanter ton sommeil ! » (Raoul Walsh, Un demi-siècle à Hollywood). Ce ne fut heureusement pas nécessaire.
Casting en autobus
Afin de trouver les figurants,
Raoul Walsh a l’idée de recruter au sein de Mexican Town. Une grande opération est mise en place et quatre bus sillonnent les rues. Sur leur flancs, des affiches placardées : « Tournée gratuite ! Venez voir Douglas Fairbanks en chair et en os dans Le Voleur de Bagdad. » Opération réussie, des centaines de figurants répondent à l’appel.
Des décors et costumes à la réalisation
Le décorateur William Cameron Menzies et le costumier Mitchell Leisen, deviendront tous deux réalisateurs. Leisen, qui aura une carrière plus importante, réalisera entre autres La Baronne de minuit (Midnight, 1939), avec Claudette Colbert et Madame veut un bébé (The Lady Is Willing, 1942), avec Marlene Dietrich.
Athlétique
Grand sportif, Douglas Fairbanks avait, pour se maintenir en forme, fait installer une salle de sport dans le studio. Le costume du Voleur de Bagdad est l’occasion d’admirer le résultat !
Le Voleur de Bagdad (The Thief of Bagdad )
États-Unis, 1924, 2h29, noir et blanc, format 1.33
Réalisation : Raoul Walsh
Scénario : Douglas Fairbanks (sous le pseudonyme d’Elton Thomas), Lotta Woods
Photo : Arthur Edeson
Musique : Mortimer Wilson
Effets spéciaux : Hampton Del Ruth, Coy Watson Sr., Robert Fairbanks
Montage : William Nolan
Décors : William Cameron Menzies
Costumes : Mitchell Leisen
Production : Douglas Fairbanks, Douglas Fairbanks Pictures, United Artists
Interprètes : Douglas Fairbanks (Ahmed, le voleur de Bagdad), Julanne Johnston (la princesse), Snitz Edwards (le complice d’Ahmed), Charles Belcher (le saint homme), Sôjin Kamiyama (le prince mongol), Anna May Wong (l’esclave mongole), Brandon Hurst (le calife), Tote Du Crow (le devin), Noble Johnson (le prince indien), Mathilde Comont (le prince persan), Winter Blossom (l’esclave au luth), Etta Lee (l’esclave de la plage), K. Nambu (le conseiller du prince mongol), Sadakichi Hartmann (le magicien à la cour du prince mongol)
Sortie aux États-Unis : 23 mars 1924
Sortie en France : fin 1924
FILM RESTAURÉ
Cohen Films Park Circus
CINÉ-CONCERT
Projection à l’Institut Lumière avec accompagnement musical au piano par Romain Camiolo.
En partenariat avec le Conservatoire à rayonnement régional de Lyon.
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