Le Dernier des hommes, c’est Emil Jannings, le géant grandiose, un des plus grands acteurs du cinéma muet. Éblouissant dans ce rôle de portier déchu, Emil Jannings est tour à tour fier et impressionnant quand il porte son uniforme, puis honni et minable sans lui. Tout en sobriété, il incarne avec mæstria la déchéance sociale qu’il subit. Le critique Edmond Épardaud le souligne dès 1925 : « Un interprète porte tout le poids du film, et c’est Emil Jannings. […] Son importance est telle que l’on peut se demander si le film eût pareille beauté et pareil retentissement sans lui. »
Mais Le Dernier des hommes, c’est également une mise en scène extraordinaire, d’une modernité exemplaire pour 1924. Murnau utilise tout ce qui est techniquement possible : travelling, surimpression, stylisation des décors, déformation des visages… La caméra de l’opérateur Karl Freund, protagoniste à part entière, est en perpétuel mouvement, et décrit personnages et états d’âme, tant et si bien qu’aucun intertitre n’est nécessaire pour souligner l’action. La caméra glisse et se faufile dans des décors conçus pour lui laisser la plus grande liberté de mouvements. Anticipant le tournage “caméra à l’épaule”, le chef opérateur se libère du pied de son appareil et la porte à bout de bras comme sur son vélo. La caméra de Murnau devient la caméra la plus parlante de son époque.
La photographie du Dernier des hommes est sublime, dans le pur style du maître du clair-obscur. Quand l’expressionnisme de la mise en scène côtoie le réalisme du scénario, Murnau réalise le film qui inspira par la suite de nombreux réalisateurs, dont Orson Welles qui en reprendra certaines techniques dans Citizen Kane (1941).
« Le Dernier des hommes est le premier “film d’art”, dans le sens où on dit que Van Gogh ou Guernica sont des films d’art : c’est de la virtuosité de la mise en scène que découle, et tout le mouvement, et toutes les significations. Oui, vraiment, Murnau est le plus grand. » (Pierre Billard, Cinéma 65, n° 100, novembre 1965)
Trilogie Jannings
Après Le Dernier des hommes, Murnau fera de nouveau appel à Emil Jannings pour jouer dans Tartuffe (Herr Tartüff, 1925) et Faust (Faust - Eine deutsche Volkssage, 1926). Ces trois films seront ses derniers films allemands avant de partir aux États-Unis pour y réaliser son chef-d’œuvre L’Aurore (Sunrise: A Song of Two Humans, 1927).
Edgar G. Ulmer
Âgé de 20 ans, Edgar G. Ulmer est assistant du chef décorateur du Dernier des hommes. Il continuera quelques temps dans la construction de décors avant de passer lui-même à la réalisation en 1930 avec Les Hommes le dimanche (Menschen am Sonntag). Par la suite, il signa de nombreux films dont Détour (Detour, 1945) et Le Démon de la chair (The Strange Woman, 1946).
L'orgue de l'Auditorium
Construit pour l’Exposition universelle de 1878 et la salle du Trocadéro, à Paris, cet instrument monumental (82 jeux et 6500 tuyaux) fut la “vitrine” du plus fameux facteur d’orgues français, Aristide Cavaillé-Coll. Installé à Lyon en 1977 par Georges Danion, l’orgue fut confié tout d’abord au talent de Patrice Caire. Il connut ensuite un lent déclin. La résidence du compositeur et organiste Thierry Escaich, de 2007 à 2010, lui a rendu son rayonnement artistique, concrétisé aujourd’hui dans une programmation variée – concerts avec orchestre, musique de chambre, récitals, ciné-concerts, concerts éducatifs… L’orgue de l’Auditorium est à ce jour le seul grand orgue de salle de concert en France. Il vient de connaître une nouvelle restauration, achevée en novembre 2013.
Le Dernier des hommes (Der letzte Mann )
Allemagne, 1924, 1h30, noir et blanc, format 1.33
Réalisation : Friedrich Wilhelm Murnau
Scénario : Carl Mayer
Photo : Karl Freund
Décors : Robert Herlth, Walter Röhrig
Production : Erich Pommer, UFA (Universum Film)
Interprètes : Emil Jannings (le portier), Maly Delschaft (la nièce du portier), Max Hiller (le fiancé), Emilie Kurz (la tante du fiancé), Hans Unterkircher (le directeur de l’hôtel), Olaf Storm (le jeune client), Hermann Valentin (le riche client), Emmy Wyda (la voisine), Georg John (le veilleur de nuit)
Sortie en Allemagne : 23 décembre 1924
Sortie en France : 11 septembre 1925
FILM RESTAURÉ
Murnau Stiftung
CINÉ-CONCERT
Projection à l’Auditorium de Lyon, accompagné à l'orgue par David Cassan.
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