Luis García Berlanga fait partie de la première promotion de l’Institut des investigations et des expériences cinématographiques, fondé à Madrid en 1947, où il rencontra Juan Antonio Bardem. On doit à cette génération un renouveau du cinéma espagnol, inspiré du néoréalisme italien, teinté d’ironie ibérique.
Comment devient-on fonctionnaire de la mort par sécurité ? Comment perd-on sa liberté pour assurer sa sécurité matérielle ? Bien que fortement opposé à la peine de mort, Berlanga n’en fait pas son propos principal dans Le Bourreau. Avec une verve et une noirceur sans égales, c’est bien de la soumission de l’homme à la société que traite Berlanga. Pour se faire, le cinéaste choisit la comédie. Pour lui, « une des caractéristiques de la comédie est d’avoir reflété la réalité espagnole tout au long de son histoire avec beaucoup plus d’authenticité qu’un autre style de cinéma avec des ambitions plus importantes. » Et la mort, compagne quotidienne dans la culture ibérique, se prête particulièrement au genre. Ironie et insolence sont les qualités du Bourreau. Voir ce “bourreau à la petite semaine” attendre avec inquiétude, en lisant les journaux, de découvrir le crime odieux qui le forcera à endosser son rôle est d’une drôlerie féroce. Mais le tour de force de Berlanga est de rendre insoutenable, non pas la cruauté, mais la banalité.
Afin d’obtenir son visa, Le Bourreau fait l’objet de quelques coupes, avant de partir pour la Mostra de Venise. Après cette projection, l’ambassadeur d’Espagne à Rome s’exclame : « C’est la plus féroce diatribe qu’on ait jamais faite contre la société espagnole. » Et sous des prétextes de crypto-communisme, il alerte la censure du régime franquiste. Le film sort tout de même en Espagne, mais fortement amputé : toute allusion au supplice du garrot, l’arme du bourreau, disparait. Douze coupes ! Berlanga décide alors de faire publier une lettre ouverte dans les journaux madrilènes, protestant contre la censure, arguant également dans une interview dans Le Figaro (18 février 1965) : « Je les taquinerai jusqu’à la mort ! »
Le film sera bien reçu, mais les spectateurs y verront surtout la comédie. Le critique Jean de Baroncelli soulignera le véritable ton du film : « Au-delà de telle ou telle intention plus ou moins explicite, ce qui frappe avant tout dans le film est le parti pris foncièrement pessimiste – d’un pessimisme râleur, dévastateur, sans rémission – des auteurs devant les problèmes qui se posent à l’homme dans le monde moderne. » (Le Monde, 20 février 1965)
Fait divers
Le Bourreau est inspiré d’un véritable fait divers : lors d’une exécution au garrot, le bourreau fait une crise d’hystérie et refuse d’exécuter. Des piqûres devront lui être faites pour l’obliger à exercer son métier.
Prix
Présenté à Venise, le film remporte le Prix Fipresci. En France, il lui sera remis le prix spécial de l’Humour noir en 1965, décerné par un groupe d’humoristes et d’auteurs, parmi lesquels Jean-Christophe Averty, Jean Yanne, Pierre Tchernia, Siné...
Le Bourreau (El verdugo )
Espagne, Italie, 1963, 1h28, noir et blanc, format 1.85
Réalisation : Luis García Berlanga
Scénario : Luis García Berlanga, Rafael Azcona, Ennio Flaiano
Photo : Tonino Delli Colli
Musique : Miguel Asins Arbó
Montage : Alfonso Santacana
Décors : José Antonio de la Guerra
Costumes : Maruja Hernáiz, Humberto Cornejo
Production : Nazario Belmar, Naga Films, Zebra Films
Interprètes : Nino Manfredi (José Luis Rodriguez), Emma Penella (Carmen), José Isbert (Amadeo), Ángel Álvarez (Álvarez), María Isbert (Ignacia), José Luis López Vázquez (Antonio), María Luisa Ponte (Estefania), Pedro Beltrán (le fonctionnaire de Madrid), José Luis Coll (l’organiste), Félix Fernández (un sacristain), Alfredo Landa (un sacristain), Xan das Bolas (le gardien de l’immeuble), José Sazatornil (l’administrateur), Santiago Ontañón (Corcuera), Magdalena Mora (la patronne de la pension), Guido Alberti (le directeur de la prison), Erasmo Pascual (un fonctionnaire de Majorque), José María Prada (un fonctionnaire de Majorque), José Orjas (le marquis), Antonio Ferrandis (l’officier)
Présentation à la Mostra de Venise : septembre 1963
Sortie en Espagne : 17 février 1964
Sortie en Italie : 15 mai 1964
Sortie en France : 16 février 1965
FILM RESTAURÉ
Tamasa
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