Billetterie

L’Arrangement

The Arrangement

de Elia Kazan , États-Unis , 1969

En route vers son bureau, Eddie Anderson (Kirk Douglas), publiciste pour une marque de cigarettes, dirige volontairement sa voiture sous un camion. Mais au dernier moment, il baisse la tête et ce geste lui sauve la vie. Il se retrouve à l'hôpital, puis chez lui pour une longue convalescence, entouré de sa femme Florence (Deborah Kerr), de sa fille Ellen, de son frère Michael et de ses collègues de bureau. À tout ce petit monde factice qu'il a voulu quitter définitivement, il ne parle plus. Il passe son temps à se souvenir du passé et, notamment de sa maîtresse Gwen (Faye Dunaway) avec qui il a eu une liaison passionnée.

Après plusieurs échecs successifs au box-office, une lassitude croissante envers le théâtre et le décès de sa première femme, Molly, Elia Kazan s’exile à Paris en 1966 et, dans la chambre d’un hôtel de la Rive gauche, entame en un long flot rageur la rédaction de L’Arrangement, roman dans lequel il règle ses comptes avec son pays et avec lui-même. Devant le succès du livre aux États-Unis, la Warner pousse le cinéaste à l’adapter au cinéma : L’Arrangement constitue un film éminemment personnel, mû par la grandeur sauvage, le bouillonnement de rage et de remords, et l’énergie du désespoir qui font la beauté des films d’Elia Kazan.


ARRANGEMENT
À travers cette révolte contre l’American way of life et la dénonciation de la compromission qu’elle exige, le cinéaste, en optant à dessein pour une certaine convention des situations, et en mettant en scène des personnages archétypaux (et dont le caractère, conforme aux attentes sociales, constitue la tragédie même), tend à chacun le miroir sans concession de ses propres lâchetés. Face à la bien-pensance d’une société (que le cinéaste, qui a toujours eu le goût des demeures prisons, dépeint de manière claustrophobique), la grâce de The Arrangement émane de la chorégraphie des corps, par cette façon inimitable qu’a Elia Kazan de trouver aux drames psychologiques une traduction physique. Le cinéaste avait à l’origine pensé à Marlon Brando, pour le rôle d’Eddie Anderson. Encore terriblement affecté par le meurtre de Martin Luther King, celui-ci laisse la place à Kirk Douglas, dont l’interprétation tout en crispation porte la tension du film. Le choix des actrices, merveilleux, ne saurait incarner de meilleure manière les forces antagonistes qui travaillent Eddie, et à travers lui Kazan
lui-même : la mythique Deborah Kerr est Florence, épouse “rêvée” du cadre américain, en raison de l’affection qu’elle lui porte et du prestige social qu’elle lui confère. Gwen, elle, est la figure solaire de laquelle émane le souffle de la liberté et de la passion amoureuse, célébrée par Bertrand Tavernier dans une interview de 1970 : « Faye Dunaway, la Bonnie de Bonnie and Clyde, est le triomphe du lyrisme. Elle se situe, comme Lee Remick ou Natalie Wood, dans la lignée des grandes héroïnes de Kazan, le plus grand metteur en scène de la femme ».

L’expérience de l’écriture
Elia Kazan racontera à Michel Ciment : « Quand on écrit un long roman où l’on s’exprime tout entier, on ne peut rien faire d’autre parce que c’est une expérience absolument totale. J’avais quitté le Lincoln Center, le Studio, et, en fait, ma ville de New York ; j’avais abandonné de nombreux amis, j’avais rompu avec eux, sans hostilité ; mais c’est que j’étais devenu une créature solitaire, ce qui est le destin d’un créateur ».
(Michel Ciment, Kazan, LoseyEntretiens, Stock)

L’habitude de la métaphore
« Je vais vous dire une chose : malgré ses défauts, L’Arrangement est un film drôlement inhabituel ; il parle d’un Américain "qui a réussi"; il fait une critique sociale, psychanalytique ; il parle du passé, de la valeur et de la nature de l’Amérique. J’ai le sentiment qu’aujourd’hui les cinéastes qui font des films avec une portée sociale, au lieu de faire ce que je crois avoir tenté de faire (c’est à dire des films sur les problèmes contemporains précis), font des métaphores. Ils disent : « C’est un western, mais cela parle en réalité du Viêt-nam » ; ou encore : « C’est une histoire de gangster, mais cela parle en réalité des difficultés de dire la vérité en Amérique », etc. Autrement dit, ils font des films substituts. »
(Michel Ciment, Kazan, Losey – Entretiens)

L’Arrangement (The Arrangement )
États-Unis, 1969, 2h05, couleurs (Technicolor), format 2.35
Réalisation : Elia Kazan
Scénario : Elia Kazan, d’après son roman L’Arrangement 
Photo : Robert Surtees
Musique : David Amram
Montage : Stefan Arnsten
Décors : Malcolm C. Bert 
Costumes : Theadora Van Runkle
Production : Elia Kazan,  Athena Productions, Warner Bros.-Seven Arts
Interprètes : Kirk Douglas (Eddie Anderson), Faye Dunaway (Gwen), Deborah Kerr (Florence Anderson), Richard Boone (Sam Anderson), Hume Cronyn (Arthur Houghton), Michael Higgins (Michael Anderson), Carol Rossen (Gloria), William Hansen (le docteur Weeks), Harold Gould (le docteur Liebman), Michael Murphy (le père Draddy), John Randolph Jones (Charles), Anne Hegira (Thomna), Charles Drake (Finnegan), E.J André (Oncle Joe)

Sortie aux États-Unis : 18 novembre 1969
Sortie en France : 20 mai 1970

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