Pedro Almodóvar écrit La Loi du désir en même temps que Matador, et reconnaît que les deux histoires ont beaucoup en commun : « Dans Matador, je parle du désir sexuel, qui est une chose concrète, d’une façon très abstraite, très métaphorique, et dans La Loi du désir, je parle du désir, qui est une chose très abstraite, d’une manière très concrète, très réaliste. Évidemment, le désir et le plaisir sont en même temps deux choses très liées, il y a même un moment où elles coïncident. Ces deux films sont comme les deux facettes d’une même pièce, je les ai tournés pendant la même année. » (Conversations avec Pedro Almodóvar, Frédéric Strauss, Cahiers du cinéma)
La Loi du désir est l’histoire de trois personnages qui, dans la chaleur torride de Madrid en été, oscillent entre besoin d’être désirés et peur d’être abandonnés. Pablo dirige sa vie comme ses films et c’est sur sa fidèle Olympia qui lui sert à taper ses scénarios, qu’il écrit les lettres qu’il aimerait recevoir de Juan. Sa vie imprègne son travail, il la mène de façon à pouvoir en tirer une histoire. Vie personnelle et création artistique, l’une vampirise l’autre, et inversement. Antonio (incarné par un Antonio Banderas exalté) est quant à lui absolument excessif : coucher avec son idole ne lui suffit pas, il veut un amour exclusif, que Pablo est incapable de lui donner. Enfin, Tina (superbement interprétée par Carmen Maura) a une vie sentimentale désastreuse. Elle s’est pliée successivement aux désirs de chacun de ses amours et se retrouve finalement seule. Avec ces trois destins brisés, Pedro Almodóvar souligne ce qui est peut-être un des plus grands drames humains – et l’un des thèmes essentiels des mélos – : il est bien rare que deux désirs se rencontrent en même temps.
Le cinéaste développe dans La Loi du désir les thèmes qui deviendront ses thèmes de prédilection : appétits charnels, passion exacerbée, famille explosée, transsexualité, double identité. Sur fond d’Espagne traditionnelle et religieuse (présente avec les prières de Tina à la Vierge devant un autel mystico-pop et la mort d’Antonio tel une pietà ), Pedro Almodóvar dynamite tous les tabous dans un film dramatique aux notes burlesques, car pour lui « même les drames ont des éléments humoristiques. »
« [Le cinéaste] produit avec La Loi du désir une œuvre parfaitement fluide et cohérente. On y retrouve les oppositions qui fondent le mouvement du cinéma d’Almodóvar – le désir et l’enfermement, le burlesque et le mélodrame, la nuit des villes et la lumière des champs… –, cette fois ordonnées autour de la vision d’un homme qui voit clairement aussi bien en lui-même qu’autour de lui. » (Thomas Sotinel, Pedro Almodóvar, Le Monde / Cahiers du cinéma)
El Deseo
« Avec mes cinq premiers films, j’ai l’impression d’avoir eu cinq enfants avec cinq pères différents et d’être toujours en litige avec chacun d’eux. » (Conversations avec Pedro Almodóvar, Frédéric Strauss). En 1986, le cinéaste et son frère Agustín décident donc de créer leur propre société de production. Elle se nomme El Deseo (le désir) et La Loi du désir en sera le premier "enfant".
Récompensé
Le film sera sélectionné dans de nombreux festivals et se verra récompensé de plusieurs prix, dont le tout premier Teddy Award à Berlin, remis par un jury international composé d’organisateurs de festivals LGBT aux films célébrant l’homosexualité à l’écran.
Autobiographique ?
Comme son personnage Pablo est metteur en scène, on demandera souvent à Pedro Almodóvar si ce film est autobiographique. Dans un entretien avec Philippe Rouyer et Claudine Vié : « Je réponds oui et non. Tous mes films le sont. Je suis derrière eux, j’y parle de ce qui me semble essentiel. Je n’ai pas vécu toutes les anecdotes de La Loi du désir. Ce qui m’appartient vraiment, c’est la méthode de travail de Pablo, comment il construit des œuvres d’art à partir d’éléments puisés dans sa vie privée. » (Positif, n° 327, mai 1988)
Financement
La Loi du désir subira une censure plus ou moins masquée. Au moment de la recherche de financement, Pedro Almodóvar, pour la première fois, se voit refuser tout soutien : aucune aide du ministère et refus des chaînes de télévision d’acheter les droits de diffusion. Finalement, le film se fera grâce à une petite aide du Centre catalan du cinéma et surtout au crédit personnel souscrit par le cinéaste auprès d’une banque.
Affiche censurée
L’affiche de La Loi du désir représente un lit vide. À l’origine, deux hommes s’y enlaçaient.
La Loi du désir (La ley del deseo )
Espagne, 1987, 1h44, couleurs (Eastmancolor), format 1.66
Réalisation & scénario : Pedro Almodóvar
Assistant réalisation : Agustín Almodóvar
Photo : Ángel Luis Fernández
Musique : Los Panchos (Lo Dudo), Maysa Matarazzo (Ne me quitte pas), Fred Bongusto (Guarda que Luna), Almodóvar y McNamara (Susan Get Down, Satanasa, Voy a ser mamá), Bernardo Bonezzi (El adiós de Gloria, La Despedida), Bola de Nieve (Déjame recordar)
Montage : José Salcedo
Décors : Javier Fernández , Ramón Moya | Costumes : José María De Cossío
Production : Ester Garcia, Agustín Almodóvar, El Deseo, Laurenfilm
Interprètes : Eusebio Poncela (Pablo Quintero), Carmen Maura (Tina Quintero), Antonio Banderas (Antonio Benítez), Miguel Molina (Juan Bermúdez), Bibi Andersen (Ada, mère), Manuela Velasco (Ada, enfant), Fernando Guillén (l’inspecteur), Nacho Martínez (le docteur Martín), Helga Liné (la mère d’Antonio), Fernando Guillén Cuervo (le policier, enfant), Germán Cobos (le prêtre), Maruchi (la sœur de Juan), Marta Fernández Muro (la groupie), Alfonso Vallejo (le sergent), Agustín Almodóvar (l’avocat), Rossy de Palma (la présentatrice TV) et non crédités Victoria Abril et Pedro Almodóvar
Présentation au Festival de Berlin : février 1987
Sortie en Espagne : 7 février 1987
Sortie en France : 16 mars 1988
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