Billetterie

Johnny Guitare

Johnny Guitar

de Nicholas Ray , États-Unis , 1954

Johnny Logan (Sterling Hayden) assiste sans intervenir à l’attaque d’une diligence. Peu de temps après, guitare en bandoulière, il pénètre dans un saloon isolé. La patronne, Vienna (Joan Crawford), étrange et belle, n’a pas un regard pour lui. Pourtant Johnny et Vienna se sont jadis aimés. Énergique, vêtue en homme, celle-ci est liée à la bande de Dancing Kid (Scott Brady), en marge de la communauté des fermiers. Emma Small (Mercedes McCambridge), dont le frère a été tué dans l’attaque de la diligence, accuse de meurtre la bande de Dancing Kid, et Vienna, qu’elle hait, de complicité.

La bouche charnue et “carrée” de Joan Crawford, ses yeux profonds  fixés sur la foule des lyncheurs alors qu’elle continue à jouer du piano ; les contrastes irréels du Trucolor, procédé dont Johnny Guitare fut le chant du cygne ; la musique, inoubliable, qui connut un succès planétaire : nombreuses sont les images, visuelles ou sonores, que le film de Nicholas Ray a essaimées dans le temps. Leur souvenir s’est diffusé dans la mémoire cinéphile, et lorsque Pedro Almodóvar nous donnait à voir la rupture de Pepa et Ivan, comédiens de doublage, dans Femmes au bord de la crise de nerfs (Mujeres al borde de un ataque de nervios, 1988), c’était dans leurs yeux levés vers Vienna et Johnny, et par les mots des deux amants, que se jouait leur désamour : la beauté élégiaque des scènes d’amour et des dialogues de Johnny Guitare (« Five years ago, I loved a man / He wasn’t good, he wasn’t bad ») a quelque chose d’indépassable.


JOHNNY GUITARE (1954)
Un an avant La Fureur de vivre (Rebel Without a Cause, 1955), qui lui assurera une renommée internationale, et deux ans après son premier western, Les Indomptables (The Lusty Men, 1952), c’est au sein d’un huis clos que Nicholas Ray convoque les destins croisés qui peuplent le Far West. En opérant un mariage contre-nature entre l’espace clos et le western (habituellement associé aux grands espaces), le réalisateur met en place les éléments d’un drame d’une rare intensité, où les regards, les mots et les gestes sont chargés d’une violence rentrée qui ne demande qu’à exploser.
Cette violence de la société embarrassée par la question de la liberté, c’est aussi celle de l’Amérique du maccarthysme, qui sévit à l’époque et dont le film est une critique à peine masquée. À travers le drame humain qui se joue sous nos yeux, c’est du rapport des États-Unis aux valeurs qui constituent son propre mythe fondateur dont il est question : « Le mythe de la Frontière reposait tout entier sur la possibilité de recréer, ici en Amérique, l’harmonie perdue dans l’Ancien Monde, entre nature et culture. À ce mythe, Nicholas Ray oppose l’image d’un conflit à l’issue incertaine entre la dimension horizontale – celle de la conquête – et verticale – celle des origines. Ce que met en scène Johnny Guitare, c’est un espace “double”, à la fois progressif et régressif. » (Nicolas Voisin, Positif, n° 435, mai 1997)

Un film féministe
Si l’on en croit Philip Yordan, l’un des rôles de femme les plus marquants de l’histoire du western serait né par accident, ou presque : « Vous voulez savoir comment le film s’est fait ? Herbert J. Yates a dit simplement : "Prenez Joan Crawford, et faites qu’elle soit heureuse pendant le tournage". Nous avons choisi le roman de Chanslor sans en garder le moindre mot, seulement le titre ; et nous avons dû écrire une histoire où la femme avait la vedette, chose rare dans le western. » (Entretien avec Bertrand Tavernier, Cahiers du cinéma, n° 128, février 1962)

Prete-nom
Le scénario du film, officiellement attribué à Philip Yordan, serait en réalité l’œuvre de Ben Maddow, scénariste alors accusé de sympathie avec le Parti communiste américain et inscrit sur la liste noire de Hollywood dans les années 1950.

Ward Bond roulé dans la farine
Philip Yordan lors d’un entretien avec Bertrand Tavernier : « Les allusions antimaccarthystes nous ont valu des ennuis avec la censure. Nous avons d’abord joué un bon tour à Ward Bond, qui était, comme vous savez, un des meneurs du parti fasciste à Hollywood. Nous lui avons fait jouer le rôle du chef de la milice, un extrémiste fascisant faisant régner la terreur. Et lui croyait que son personnage était un héros, un bonhomme sympathique ! Il n’avait rien compris ». (Cahiers du cinéma, n° 128, février 1962)

Johnny Guitare (Johnny Guitar )
États-Unis, 1954, 1h49, couleurs (Trucolor), format 1.37
Réalisation : Nicholas Ray 
Scénario : Philip Yordan, librement adapté du roman Johnny Guitar de Roy Chanslor  
Photo : Harry Stradling Sr.
Musique : Victor Young  
Montage : Richard L. Van Enger  
Décors : Edward G. Boyle, John McCarthy Jr.  
Costumes : Sheila O’Brien
Production : Nicholas Ray, Herbert J. Yates, Republic Pictures
Interprètes : Joan Crawford (Vienna), Sterling Hayden (Johnny “Guitar” Logan), Mercedes McCambridge (Emma), Ward Bond (John McIvers), Scott Brady (Dancing Kid), John Carradine (Tom), Ernest Borgnine (Bart Lonergan), Ben Cooper (Turkey), Royal Dano (Corey), Frank Ferguson (le shériff), Paul Fix (Eddie), Rhys Williams (Monsieur Andrews), Ian MacDonald (Zeke), Will Wright (Ned), John Maxwell (Jake), Robert Osterloh (Sam), Frank Marlowe (Frank), Trevor Bardette (Jenks)

Sortie aux États-Unis : 26 mai 1954
Sortie en France : 11 février 1955

Ce site nécessite l'utilisation d'un navigateur internet plus récent. Merci de mettre à jour votre navigateur Internet Explorer vers une version plus récente ou de télécharger Mozilla Firefox. :
http://www.mozilla.org/fr/firefox