Pedro Almodóvar voulait adapter La Voix humaine de Jean Cocteau, pièce en un acte mettant en scène une femme au téléphone avec l’homme qu’elle aime, mais qui se sépare d’elle. En développant son histoire, son adaptation devient de plus en plus libre, et ne resteront de la pièce que le téléphone, la valise et le propos.
Avec Femmes au bord de la crise de nerfs, le cinéaste abandonne les milieux underground pour les intérieurs chics et bourgeois, « un univers féminin où tout est idyllique et merveilleux, dans une ville où tout va bien, où tout le monde est aimable, un monde à la mesure de l’être humain. L’unique problème qui reste dans ce paradis terrestre, c’est que les hommes continuent à abandonner les femmes. » (Conversations avec Pedro Almodóvar, Frédéric Strauss, Cahiers du cinéma). Car voilà le drame, Ivan a lâchement rompu avec Pepa et celle-ci cherche désespérément à obtenir une explication. Plus elle cherche, plus elle découvre certes, mais en tombant de Charybde en Scylla : Ivan a une ex-compagne internée en hôpital psychiatrique, un enfant adulte dont la compagne est obsédée par sa virginité (le couple veut louer l’appartement de Pepa), et une nouvelle maîtresse avec qui il souhaite partir en week-end à Stockholm (le vol est menacé d’attentat par l’amant terroriste chiite d’une amie de Pepa…). Au fur et à mesure du déroulement du film, cette banale histoire de femme délaissée se transforme en vaudeville, enchaînant quiproquos et coïncidences. Comme dans une pièce de Feydeau, l’appartement de Pepa est envahi par une série de protagonistes exaltés et de femmes au bord de l’hystérie collective. Très proche du théâtre, Femmes au bord de la crise de nerfs bénéficie de décors extrêmement travaillés : la terrasse de Pepa est extraordinaire, à la fois pop et toc. Les couleurs flamboyantes et la photographie soignée permettent au cinéaste d’imposer définitivement son style.
C’est le premier grand succès public de Pedro Almodóvar. À l’image des sophisticated comedies à la Billy Wilder, le film mêle légèreté, désarroi amoureux, ironie, rythme effréné et comique de répétition (l’inénarrable gaspacho aux barbituriques est jubilatoire). « Almodóvar : la façon branchée de reparler de l’incommunicabilité, thème qu’on eût dit poussiéreux depuis les années soixante. Cukor ou Lubitsch revus par un enfant de Woody Allen et d’Antonioni… Il y a des références pires. » (Paul Louis Thirard, Positif, n° 335, janvier 1989)
Les couleurs d’Almodóvar
« La culture espagnole est très baroque mais celle de la Mancha est au contraire d’une sévérité terrible. La vitalité de mes couleurs est une façon de lutter contre cette austérité de mes origines. » (Conversations avec Pedro Almodóvar, Frédéric Strauss)
Récompenses
Le film est sélectionné pour de nombreuses cérémonies dont les Oscars où il concourt dans la catégorie du meilleur film étranger. Au total, le film rafle une cinquantaine de prix internationaux. En Espagne, lors des Goya, il est présent dans toutes les catégories ! Et repart avec cinq récompenses : meilleur film, meilleur actrice pour Carmen Maura, meilleur second rôle féminin pour María Barranco, meilleur scénario et meilleur montage.
Ouverture
Le générique de Femmes au bord de la crise de nerfs est une création de Juan Gatti, designer, graphiste et photographe de mode. Pour cette spectaculaire ouverture, l’artiste s’est inspiré des magazines de mode des années 1950 et 1960 dont il a découpé les photos. Pedro Almodóvar : « On entre dans le film comme on feuillette une revue de mode. C’est une entrée en matière dans la lignée de quelques comédies américaines comme Funny Face de Stanley Donen. […] Je voulais établir une esthétique pop élégante pour introduire le spectateur dans l’univers féminin dont le film va parler. »
(Conversations avec Pedro Almodóvar, Frédéric Strauss)
Overdose
Pour ce film, Pedro Almodóvar voulait ne travailler qu’avec Carmen Maura et voir jusqu’où ils pouvaient aller ensemble : il souhaitait, selon ses propres mots, une « overdose de Carmen ». L’actrice sera de tous les plans. Mais après cette superbe réussite, la rupture est consommée pour des raisons encore mystérieuses. Dix-sept ans l’un sans l’autre avant de se retrouver pour Volver en 2006.
Femmes au bord de la crise de nerfs (Mujeres al borde de un ataque de nervios )
Espagne, 1988, 1h35, couleurs (Eastmancolor), format 1.85
Réalisation & scénario : Pedro Almodóva
Photo : José Luis Alcaine
Musique : Bernardo Bonezzi, Lola Beltrán (Soy infeliz), La Lupe (Puro teatro)
Montage : José Salcedo
Décors : Emilio Cañuelo, Félix Murcia
Costumes : José María De Cossío
Production : Pedro Almodóvar, El Deseo, Laurenfilm
Interprètes : Carmen Maura (Pepa Marcos), Antonio Banderas (Carlos), Julieta Serrano (Lucia), María Barranco (Candela), Rossy de Palma (Marisa), Guillermo Montesinos (le chauffeur de taxi), Kiti Manver (Paulina Morales), Chus Lampreave (la concierge), Yayo Calvo (le père de Lucia), Loles León (Cristina), Angel de Andrés-López (le premier policier), Fernando Guillén (Ivan), Juan Lombardero (Germán), José Antonio Navarro (le deuxième policier), Agustín Almodóvar (l’employé de l’agence immobilière)
Présentation à la Mostra de Venise : septembre 1988
Sortie en Espagne : 25 mars 1988
Sortie en France : 1er février 1989
FILM RESTAURÉ
El Deseo
TF1 DA
Ressortie en salle prochainement, par Tamasa Distribution
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