Ancien champion de boxe amateur à l’université de Los Angeles, John Huston avait depuis longtemps le projet de réaliser un film sur le “noble art”. Fat City, malgré la noirceur de son sujet, est parcouru par une joie tranquille, celle d’un cinéaste entreprenant un voyage sentimental vers sa jeunesse, décrivant avec une précision et un relief saisissants un monde dont il connaît les ressorts, les lieux et les trajectoires.
Plutôt que du vertige des grands combats dans lesquels se côtoient, sur le fil, l’extase de la gloire et les affres de l’échec, l'œuvre témoigne de la nostalgie d’un espoir enfui. Portrait d'un réalisme tranchant d’une Amérique en marge, Fat City filme le monde de la boxe de l’intérieur, en élargit la vision et la compréhension en l’insérant dans un contexte plus large, faits de matins froids comme des lames de rasoirs, de diners ouverts toute la nuit, des journées harassantes du travail d’ouvrier agricole et de la maigre paye qui l’accompagne. Grâce à un sens poétique du détail et de l’atmosphère (admirable photographie de Conrad Hall, « qui utilise avec audace les pellicules les plus rapides » – Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier, 50 ans de cinéma américain, Omnibus –), c’est la réalité sociale des États-Unis tout entière qui est convoquée dans les rues de Stockton, où le film a été entièrement tourné, la plupart des rôles secondaires étant tenus par des habitants de la ville.
Il serait injuste, pourtant, de réduire Fat City à son souci documentaire. John Huston regarde avec compassion et humour (savoureux dialogues tirés par Leonard Gardner de son livre) ces boxeurs s’escrimer dans des combats sans gloire, auxquels même le sang et les ralentis, apanages de la violence lyrique des combats glorieux, sont refusés. Il réalise un film poignant sur l’amitié, le respect mutuel et les sentiments humains, qu’il compara à The Misfits (Les Désaxés, John Huston, 1961), « une de ces fables allégoriques sur la condition humaine que j’aime tant ».
Fat City
"Fat City" est une expression utilisée à l’origine par les musiciens de jazz. John Huston :« C’est le qualificatif des rêveurs signifiant qu’il n’y a pas de limites aux possibilités. C’est le pot d’or aux pieds de l’arc-en-ciel ». Son acteur, Stacy Keach, avait son avis sur la question : « Fat City n’est pas un lieu que l’on peut trouver sur une carte : il faut le chercher dans les vallées profondes du cœur humain. C’est le rêve de chacun, le paradis sur terre, c’est aussi la nostalgie de ce qui a été et ne reviendra pas. C’est ce qui disparaît au bout du chemin. C’est la quête muette du voyageur ».
Art Aragon
John Huston : « Beaucoup des gens que j’ai connus se retrouvent dans le film ; le vieil entraîneur qui parle de quelqu’un qui était capable de décapsuler une bouteille avec ses dents, celui-là a été une de mes idoles quand j’étais jeune. Il avait à peu près dix ans de plus que moi ; c’était un boxeur, Art Aragon ; quelquefois nous faisionsdes assauts amicaux. » (Deux soirées avec John Huston, Jan Aghed et Michel Ciment, Positif, n° 142, septembre 1972)
Fat City
États-Unis, 1972, 1h36, couleurs (Technicolor), format 1.85
Réalisation : John Huston
Scénario : Leonard Gardner, d’après son roman Fat City
Photo : Conrad L. Hall
Musique : Kenneth Hall
Montage : Walter Thompson
Décors : Richard Sylbert
Costumes : Dorothy Jeakins
Production : John Huston, Ray Stark, Columbia Pictures Corporation, Rastar Pictures
Interprètes : Stacy Keach (Billy Tully), Jeff Bridges (Ernie), Susan Tyrrell (Oma), Candy Clark (Faye), Nicholas Colasanto (Ruben), Art Aragon (Babe), Curtis Cokes (Earl), Sixto Rodriguez (Lucero), Billy Walker (Wes), Wayne Mahan (Buford), Ruben Navarro (Fuentes)
Sortie aux États-Unis : 26 juillet 1972
Sortie en France : 11 janvier 1973
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