1972. Robert Badinter part en croisade contre la peine de mort, après avoir accompagné à l’échafaud Roger Bontems, complice d’une prise d’otages sanglante. Pour José Giovanni, l’exécution de ce condamné qui n’avait pourtant pas de sang sur les mains est un coup de massue : « Nous montions à cheval dans la forêt de Fontainebleau. Entre ma femme, mes enfants, mes livres et mes films, le souvenir du lourd fer tranchant qui coulisse du haut du cadre jusqu’à la nuque d’un être humain, oui, le souvenir de cette machine à laquelle j’avais posé un lapin s’était estompé. Et voilà que son armature se précisait à nouveau. J’écoutais l’indignation de Badinter. Il ignorait qu’il parlait à un survivant : “Tu sais, moi aussi je peux faire quelque chose pour cette cause, lui dis-je.” » (José Giovanni, Mes grandes gueules, Fayard). Ce « quelque chose », ce sera Deux hommes dans la ville.
Film à charge contre l’univers carcéral, son incapacité à réinsérer ses anciens détenus, les défauts de la justice, ou encore les méthodes haineuses de certains flics pervers, Deux hommes dans la ville est surtout un réquisitoire contre la peine de mort, dans la lignée de Nous sommes tous des assassins d’André Cayatte (1952). La construction du film est classique et sobre afin de laisser toute sa place au propos engagé. Deux hommes dans la ville est également servi par des acteurs d’envergure, les fameuses « grandes gueules » du cinéaste : le duo Delon-Gabin (pour une fois, pas du même bord), grandioses dans les scènes de parloirs et de l’exécution, et Michel Bouquet, d’une parfaite justesse dans ce rôle de policier retors et inquisiteur.
Quelques critiques reprocheront à Giovanni de manipuler la réaction du public. Jacques Siclier s’interroge : « N’est-ce pas la mort du héros Delon qui nous bouleverse plus que la barbarie, plus que la honte de l’exécution capitale ? » (Le Monde, 1er novembre 1973). Car évidemment, Gino est un héros sympathique et malchanceux, peu représentatif des condamnés à mort qui font la une des journaux. Aux yeux du public, il est coupable du meurtre de Goitreau, mais innocent moralement, poussé à bout par ce flic pervers qui ne voit en lui qu’un récidiviste en puissance. Au finale, le film, fort de ses têtes d’affiche, sera un succès public et également un geste engagé, reconnu à l’époque par Robert Badinter. « Deux hommes dans la ville véhicule – sous forme de produit commercial qu’est ce genre de film – une dynamite que peu de plumes laissent transparaître aujourd’hui dans les colonnes de journaux. […]
À voir très vite, les yeux grandement ouverts ! » (Henry Chapier, Combat, 31 octobre 1973)
Dernier tandem
Ce film est le dernier à réunir Jean Gabin et Alain Delon. Ils avaient précédemment tenu ensemble l’affiche de deux films d’Henri Verneuil : Mélodie en sous-sol en 1963 et Le Clan des Siciliens en 1969.
Giovanni et le couloir de la mort
Condamné à mort pour une « affaire de racket qui a mal tourné, cinq morts », José Giovanni passa onze ans en prison. Et onze mois dans le couloir de la mort, pendant que son père (que Giovanni a longtemps détesté)se battait pour l’en sortir. Giovanni sera gracié par le président Vincent Auriol.
Mes parloirs
Les scènes de parloirs entre Gabin et Delon suite au meurtre de Goitreau sont des scènes quasi muettes, où les regards échangés entre les deux hommes parlent pour eux. « Personne ne sait qu’il s’agit de MES parloirs. Ceux que j’ai vécu en face de mon Père. Les mots, les phrases étranglés dans la gorge. » (José Giovanni, Mes grandes gueules)
Voix intérieure
Après l’exécution de Gino, Cazeneuve quitte les lieux et laisse entendre sa voix intérieure : « Et derrière ces murs, j’ai vu une machine qui tue. » Ces mots seront inspirés par les propres paroles de Robert Badinter.
Caution
Le film servira de support pour l’Association française contre la peine de mort afin de relancer le débat. Pour sa présidente, Mme Viennet : « Cette vision d’une exécution capitale présentée dans toute son horreur oblige le spectateur à réagir. Il est pris aux tripes. »
Deux hommes dans la ville
France, Italie, 1973, 1h38, couleurs (Eastmancolor), format 1.66
Réalisation & scénario : José Giovanni
Photo : Jean-Jacques Tarbès
Musique : Philippe Sarde
Montage : Françoise Javet
Décors : Jean-Jacques Caziot
Costumes : Hélène Nourry
Production : Alain Delon, Adel Productions, Medusa Distribuzione
Interprètes : Jean Gabin (Germain Cazeneuve), Alain Delon (Gino Strabliggi), Mimsy Farmer (Lucie), Michel Bouquet (l’inspecteur Goitreau), Ilaria Occhini (Sophie Strabliggi), Victor Lanoux (Marcel), Guido Alberti (le patron de l’imprimerie), Christine Fabréga (Geneviève Cazeneuve), Bernard Giraudeau (Frédéric Cazeneuve), Cécile Vassort (Evelyne), Robert Castel (André Vaultier), Gérard Depardieu (un jeune délinquant), Malka Ribowska (l’avocate de Gino), Albert Augier (Rasuin), Maurice Barrier (le juge d’instruction), Gabriel Briand (Jeannot)
Sortie en France : 25 octobre 1973
Sortie en Italie : 30 novembre 1973
FILM RESTAURÉ
Pathé
Restauration à partir du négatif original. La restauration image a été effectuée en 4K par le laboratoire Éclair et la restauration son par le laboratoire L.E. Diapason sous le contrôle d’Alain Delon (également producteur du film) et de Pathé. Avec la participation du CNC.
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