Colorado

Avec Colorado, son premier western, Sergio Sollima rentre directement dans la cour des maîtres du genre, celle des deux autres Sergio, Leone et Corbucci. Colorado est, dans sa forme, plus classique que les autres westerns all’taliana, et reprend un des grands thèmes du genre : la chasse à l’homme.
Colorado, flegmatique Lee Van Cleef, est un justicier idéaliste, à l’opposé des bounty killers courant après l’argent. Face à lui, Cuchillo, un Mexicain habile et malin, incarné par le fougueux Tomas Milian. Comme le souligne Gilles Jacob dans sa critique du film, il y a un réel antagonisme entre les deux personnages, « c’est le métier contre l’improvisation, le professionnel contre l’artiste » (Les Nouvelles littéraires, 14 juin 1969). Constamment mis en échec par l’imprenable Cuchillo, Colorado s’énerve, devient hargneux. Cette traque est la plus longue et la plus périlleuse de sa carrière, de quoi rendre fou le professionnel qu’il est. Mais cette chasse est aussi un cheminement politique pour Colorado : Sollima distille avec parcimonie, tout au long du film, des informations concernant la personnalité de Cuchillo, amenant son poursuivant à avoir des doutes sur sa culpabilité et sur les intentions de son employeur.

Avec humour et après de nombreux rebondissements, Sollima, sans se lancer dans un plaidoyer, montre comment les élites utilisent tous les moyens possibles, jusqu’à la fabrication d’un faux coupable, pour protéger un des leurs. À travers de nombreux éléments, Sollima prend le parti des “petits”. D’abord, avec cette scène incontournable des westerns, celle du duel. Mais ici il est différent : Cuchillo utilise l’arme de sa classe sociale, l’arme des démunis, le couteau. Mais également, dans la superbe scène finale lorsque Colorado et Cuchillo chevauchent ensemble, et où Van Cleef sort du cadre, laissant seul le péon mexicain : c’était finalement lui le héros du film.
« Colorado bénéficie d’un sujet de Franco Solinas, ancien membre du Parti communiste italien, scénariste de La Bataille d’Alger, de Gillo Portecorvo, Salvatore Giuliano, de Francesco Rosi, et d’État de siège, de Costa-Gavras. Au milieu des années 1960, un scénariste en vue pouvait rêver d’écrire un western marxiste, ou plutôt un western tiers-mondiste, que Sergio Sollima transforme brillamment en un film anarchiste, subversif, jamais rivé à une idéologie. » (Samuel Blumenfeld, Le Monde, 7 août 2013)

Sollima, auteur
Avant de devenir cinéaste, Sergio Sollima était, comme Corbucci, critique de cinéma. Il a également écrit un ouvrage sur le cinéma américain (Il cinema in USA, éd. Anonima veritas), dont il est un grand admirateur. Ce qui se voit d’ailleurs dans Colorado…

Un acteur prolifique
Depuis ses débuts, Tomas Milian a incarné plus de cent vingt rôles entre cinéma et télévision. Cet enfant de la bourgeoisie cubaine né en 1932, passé par l’Actors Studio, a traversé l’histoire du cinéma, touchant à tous les genres (comédie, film de guerre, western, thriller, péplum, cinéma d’auteur…) et collaborant avec les plus grands, de Michelangelo Antonioni à Steven Spielberg, en passant par Alberto Lattuada, Luchino Visconti, Carol Reed, Mauro Bolognini, Yves Boisset, Sydney Pollack, Oliver Stone, Steven Soderbergh…