Après une première réalisation avec Bonjour sourire (1956), en remplacement de Robert Dhéry, Claude Sautet décide de reprendre son poste d’assistant réalisateur. Il travaille avec Jean Devaivre, Richard Pottier, Carlo Rim… De fil en aiguille, on lui demande d’apporter son aide à des scénarios, les débloquer quand il le faut, reprendre quelques dialogues… Il devient ce qu’on appelle dans le métier « ressemeleur ». Cela lui permet de travailler sur Le fauve est lâché et de faire cette rencontre essentielle avec Lino Ventura, puisque c’est l’acteur qui lui propose Classe tous risques. Enfin le film noir qu’attendait cet inconditionnel de films américains pour se remettre à la mise en scène ! Ce sera également l’unique collaboration avec José Giovanni, célèbre écrivain de polar français, auteur entre autres du Trou (adapté à l’écran par Jacques Becker en 1960), et le début d’une très longue amitié entre les deux hommes.
Décrivant la chute d’un homme, la trahison du milieu, mais aussi une profonde amitié entre deux malfrats, Classe tous risques est un mélange de classicisme du polar à la française et de modernité propre au réalisateur. Sautet utilise une technique simple, s’épargnant les plans inutiles. En résulte une mise en scène sobre et efficace marquée de réalisme psychologique. Le duo Ventura-Belmondo est ici exceptionnel, alliant justesse et pudeur. Mais les seconds rôles sont eux aussi importants et profonds, forts et attachants : Claude Cerval, Stan Krol, Marcel Dalio…
Le réalisateur pose avec Classe tous risques les bases de son œuvre : « des gens égarés socialement, économiquement, intellectuellement… » (Claude Sautet dans Conversations avec Claude Sautet, Michel Boujut, Actes Sud/Institut Lumière)
Pour le critique Jean Douchet, « Impossible de ne pas songer à Becker. […] Même volonté de ne s’intéresser qu’à l’homme et à son véritable destin tel que lui et les autres le forgent. Même désir de découvrir sous l’acteur la vérité d’un personnage. Même souci de ne s’exprimer que par la mise en scène. Certes Sautet n’est pas encore Becker, et d’autre part il a une personnalité intéressante. Je pense qu’avec lui le cinéma français a une excellente recrue. Attendons la suite. » (Arts, 30 mars 1960)
Belmondo vs. Moreno
C’est dans Les Tricheurs de Marcel Carné (1958) que Sautet remarque Jean-Paul Belmondo. Ils se rencontrent et se mettent d’accord sur le rôle. Mais un des producteurs du film, Bob Hamon, a trouvé l’acteur « exécrable » dans À double tour de Claude Chabrol (1959). Il veut une vedette, un nom connu. Il propose Delon, Terzieff, Blain, qui refusent tous, et enfin, suite au succès du Salaire de la peur d’Henri-Georges Clouzot (1953), lance le nom de l’exotique Dario Moreno. Sautet, « sifflet coupé », s’appuiera sur le coproducteur italien de Classe tous risques pour obtenir l’acteur qu’il avait repéré depuis le début…
Une proposition de Lino
Depuis leur collaboration sur Le fauve est lâché (Maurice Labro, 1959), Lino Ventura et Claude Sautet ont noué une réelle amitié. Bien qu’il songe à repasser à la réalisation, Sautet hésite, par peur des responsabilités très lourdes. Le déclic viendra de Ventura : un soir, il appelle le cinéaste, lui donne le roman de José Giovanni, et lui demande une réponse pour le lendemain 10 h. « Coincé ! » avouera Sautet, mais également convaincu par le roman, il accepte la proposition de Ventura.
Premier film, première critique, première interview
C’est avec Classe tous risques que Bertrand Tavernier écrit sa première critique, publiée dans Cinéma 60. Quelques lignes soutenant fermement le film « …certes nous sommes en présence de ce que l’on appelle la série « B », mais un « B » comme Bœtticher ne vaut-il pas mieux qu’un « A » comme Allégret ? » Suivra la première interview du réalisateur par le jeune critique, qui deviendra par la suite (avec Pierre Rissient) l’attaché de presse des Choses de la vie, Max et les ferrailleurs et César et Rosalie, puis lui-même réalisateur, soutenu par son parrain Claude Sautet.
Mars 1960 sur les écrans
Une semaine avant la sortie en salles de Classe tous risques, une autre apparition de Belmondo fit l’effet d’une bombe : À bout de souffle de Jean-Luc Godard.
Classe tous risques
France, Italie, 1960, 1h50, noir et blanc, format 1.66
Réalisation : Claude Sautet
Scénario : José Giovanni, Claude Sautet, Pascal Jardin, d’après le roman Classe tous risques de José Giovanni
Photo : Ghislain Cloquet
Musique : Georges Delerue
Montage : Albert Jurgenson
Décors : Rino Mondellini
Production : Jean Darvey, Mondex Films, Les Films Odéon, Filmsonor, Zebra Films
Interprètes : Lino Ventura (Abel Davos), Sandra Milo (Liliane), Jean-Paul Belmondo (Eric Stark), Marcel Dalio (Arthur Gibelin), Jacques Dacqmine (le commissaire Blot), Claude Cerval (Raoul Fargier), Bernard Dhéran (Blastone), Michel Ardan (Riton Vintran), Simone France (Thérèse Davos), Stan Krol (Raymond Naldi), René Génin (Chapuis), Charles Blavette (Bénazet), Michèle Méritz (Sophie Fargier), France Asselin (Madame Vintran), Evelyne Ker (la fille de Gibelin)
Sortie en France : 23 mars 1960
FILM RESTAURÉ
TF1 DA
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