César et Rosalie

Longtemps fantasmé par Claude Sautet, César et Rosalie, premier scénario original du cinéaste, arrive après neuf ans d’attente. Avec un sujet simple, le trio amoureux et l’impossibilité de choisir, Claude Sautet réalise un portrait superbe et intemporel de trois personnages. Dans ce que les scénaristes ont voulu comme un « drame gai », il dépeint les hésitations de Rosalie, lumineuse et sublime Romy Schneider, face à ses deux amours : son compagnon, César, patron d’une affaire en pleine expansion, hâbleur, fantasque, possessif et jaloux, et David, son amour de jeunesse disparu, beau ténébreux, artiste, délicat et attentif… Dans ce « tumultueux match à trois rythmé par les mouvements du cœur » (Jacques de Baroncelli), Rosalie décide d’être libre : elle aime les deux, part avec David, puis seule, et enfin revient... C’est de cet abandon que naît la profonde amitié entre César et David.

Pour cela, César et Rosalie est souvent rapproché de Jules et Jim de François Truffaut (1962). Si le thème du triangle amoureux les rapproche, c’est bien celui de l’amitié qui les oppose. Tandis que c’est leur amour commun pour Catherine qui fait imploser le lien entre Jules et Jim, l’amitié qui naît entre César et David est nourrie par leur passion pour Rosalie. D’un côté, Catherine est symbole de mort, alors que de l’autre, Rosalie est signe de vie pour ses deux hommes.
Avec une mise en scène vive et un découpage accentuant les ruptures, César et Rosalie est, à l’image des parcours en voiture que font les personnages sur les routes de France, un voyage à travers les sentiments, où l’on s’arrête, on repart, où l’on frôle les accidents, la fin, parfois la mort.
Enfin, le film est servi par une triple performance d’acteurs, la douce et libre Romy Schneider, le matamore Yves Montand et l’élégant Sami Frey. Des rôles si parfaitement intégrés, une implication si entière, que des conflits naîtront sur le tournage, obligeant le cinéaste à rassurer à tour de rôle chacun de ses comédiens.
« C’est donc un plaisant souvenir que l’on garde de César et Rosalie. Le souvenir d’une comédie sentimentale où l’euphorie et l’allégresse font bon ménage avec la mélancolie. Parmi les cinéastes français, Claude Sautet est décidemment un de ceux qui parlent le mieux des “choses de la vie”. » (Jacques de Baroncelli, Le Monde, 31 octobre 1972)

Point de départ
Alors qu’il est encore assistant, Claude Sautet doit se rendre dans une casse pour y trouver une voiture. Il y fait la rencontre d’un ferrailleur : « Le type était une sorte de rustre, mince, assez beau, très bien sapé, le cigare au bec, l’œil rusé. […] Il se dégageait de lui une vitalité redoutable. À quelques pas, dans une voiture, une jeune femme superbe l’attendait. […] Tout de suite, le contraste entre elle et lui s’était imposé à moi. L’image m’en était restée. Et je m’étais dit : supposons que je tombe amoureux de cette femme, comment me débrouillerais-je en face d’un tel loustic ? » (Conversations avec Claude Sautet, Michel Boujut, Actes Sud/Institut Lumière)

Pressentis
Initialement, c’est Vittorio Gassman et Catherine Deneuve que Claude Sautet imagine pour interpréter César et Rosalie. Mais Gassman refuse de jouer un homme trompé (« Cornuto ? Impossible ! ») et Catherine Deneuve, après plusieurs mois de silence, se retire du projet. Finalement, Sautet choisit Yves Montand (convaincu par son côté joueur, presque enfantin), et contactée par le cinéaste, Romy Schneider accepte immédiatement, précisant qu’elle n’est pas Rosalie, mais qu’elle sera "sa Rosalie".

Une longue genèse, un tournage difficile
Claude Sautet commence à travailler sur César et Rosalie en 1963, avec une première mouture du scénario. Mais les producteurs ne suivent pas. Après beaucoup de remaniements (époque de l’action, choix des acteurs, développement des personnages) et une nouvelle productrice (Michelle de Broca), le projet est enfin sur les rails. Mais le tournage ne sera pas aisé, les deux acteurs masculins, très investis, étant déstabilisés par tout ce qui pouvait renforcer le rôle de l’autre. Comme finalement le sont les personnages face à Rosalie…