C’est lors du tournage de Femmes au bord de la crise de nerfs que Pedro Almodóvar écrit le premier jet d’Attache-moi ! Il développe une histoire qui se déroule sur un plateau de cinéma, permettant de réutiliser les décors « à la fois comme illusion et comme objet de représentation ». Le sujet : des criminels entrent sur un plateau de cinéma vide, s’installent dans les décors sans savoir que l’équipe revient le soir pour la fête de fin de tournage. Réfugié dans les toilettes, l’un d’entre eux prend en otage une des actrices qu’il avait observée et sous le charme de laquelle il était tombé… Le scénario d’Attache-moi ! sera légèrement différent mais la trame est écrite.
Attache-moi ! est la rencontre de deux êtres en rupture de marginalité. Lui rêve d’une vie de petit-bourgeois avec une femme, des enfants et un emploi, elle de sortir du porno pour une carrière dans le cinéma classique. Cette normalité, Ricky sait bien que c’est par la force qu’il devra la conquérir. S’ensuit donc une histoire improbable : il devient geôlier pour être aimé. Dans une étrange routine conjugale (sorte de grande découverte mutuelle contrainte et forcée), il est aux petits soins pour sa prisonnière, lui prouvant qu’il est digne de confiance, alors qu’elle est menottée… Marina finit par être troublée par l’amour que cet homme lui porte. Dans un monde conventionnel, les journaux feraient leur une avec cet exemple de syndrome de Stockholm. Chez Almodóvar, c’est la naissance d’une torride histoire d’amour. Dans Attache-moi !, les scènes de sexe sont joyeuses, libératrices et sans tabou. Dans ce quasi-huis clos, les acteurs, extrêmement bien dirigés, arrivent à faire croire à cette histoire d’amour : Antonio Banderas développe un magnétisme viril et Victoria Abril une fragilité émouvante.
Analyse d’un désir très conventionnel dans une situation qui ne l’est absolument pas, Attache-moi ! est insolite et intrigant, mais aussi provocant et drôle, passionnel et violent, dans la lignée de La Loi du désir. C’est sans doute « le plus optimiste des films sadomasochistes ». La fin est superbe : en voiture, Ricky, Marina et sa sœur Lola décident de poursuivre le chemin ensemble, entonnant la chanson Resistiré : « Je résisterai pour continuer à vivre... » Lors d’une interview réalisée avant le tournage au journal Diaro 16, il était demandé à Pedro Almodóvar si il croyait qu’il fallait forcer l’amour. Sa réponse : « Parfois oui, mais je ne peux garantir le résultat. » Avec Attache-moi !, tous les espoirs sont permis.
Suite d’un rendez-vous manqué
Pedro Almodóvar avait proposait le rôle de Cristal dans Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? à Victoria Abril. Mais l’actrice avait refusé, sortant tout juste d’un autre rôle de prostituée.
La Madone
Suite au succès de Femmes au bord de la crise de nerfs, la chanteuse Madonna souhaite tourner avec le réalisateur madrilène, et désire obtenir le rôle de Marina. Mais Pedro Almodóvar a déjà choisi : ce sera Victoria Abril.
Plaisir mécanique
La scène dans laquelle Victoria Abril prend son bain avec un petit baigneur en plastique qui file entre ses cuisses est devenue mythique. Dans le cinéma d’Almodóvar, elle préfigure celle de l’amant qui rétrécissait dans Parle avec elle (Hable con ella, 2002).
Classé X
À cause de la scène du bain et des autres scènes de sexe, Attache-moi ! est menacé d’un classement X aux États-Unis. Sous l’impulsion de Pedro Almodóvar, Miramax, distributeur sur le sol américain, entame une procédure. En vain. Le film sortira donc sans classification, et sera de fait interdit dans certaines salles.
Attache-moi ! (Átame ! )
Espagne, 1989, 1h41, couleurs (Eastmancolor), format 1.85
Réalisation & scénario : Pedro Almodóvar
Photo : José Luis Alcaine
Musique : Ennio Morricone, Dúo Dinámico (Resistiré), Almodóvar y McNamara (Satanasa)
Montage : José Salcedo
Décors : Ferran Sánchez
Costumes : José María De Cossío
Production : Enrique Posner, El Deseo
Interprètes : Victoria Abril (Marina Osorio), Antonio Banderas (Ricky), Loles León (Lola), Julieta Serrano (Alma), Maria Barranco (Berta), Rossy de Palma (la fille en scooter), Francisco Rabal (Maximo Espejo, le cinéaste), Lola Cardona (la directrice de l’hôpital), Montse G. Romeu (la journaliste), Emiliano Redondo (le décorateur), Oswaldo Delgado (le fantôme), Concha Rabal (la pharmacienne), Alberto Fernández (le producteur), Francisca Caballero (la mère de Marina), Agustín Almodóvar (le pharmacien)
Présentation au Festival de Berlin : février 1990
Sortie en Espagne : 22 janvier 1990
Sortie en France : 20 juin 1990
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