Billetterie

Arrebato

de Iván Zulueta , Espagne , 1980

José Sirgado (Eusebio Poncela), jeune réalisateur d’une trentaine d’années, vient de terminer le montage de son second film, dont il est profondément insatisfait. Peut-être parce que le travail de cinéaste n’est pas tel qu’il l’imaginait. Peut-être parce que l’héroïne a une plus grande emprise sur lui qu’il ne le pensait. Ou peut-être sa séparation d’avec Ana (la vedette de son premier film) a-t-elle affecté son travail. Arrivant chez lui, il trouve Ana qui l’attend avec de l’héroïne, comme si rien n’avait changé. Alors qu’il succombe à la tentation, arrive chez lui un mystérieux paquet envoyé par Pedro (Will More).

Étrange objet né dans l’effervescence de la Movida madrileña, film culte de la cinéphilie espagnole, Arrebato est un fragment perdu dans les abysses de celle-ci, dont l’étonnant éclat brille d’autant plus puissamment que les limbes qui l’entourent sont obscurs. Aussi présent dans les esprits qu’absent des écrans (il faut attendre sa réapparition en 2002 dans les salles espagnoles pour que ce film, inédit dans de nombreux pays, ressorte de l’oubli), échec commercial mais multi-récompensé par la suite, circulant plutôt dans les réseaux alternatifs que dans les festivals, l’histoire d’Arrebato est celle d’une rencontre des extrêmes.


ARREBATO
Ce vertige paradoxal est aussi celui de la création artistique, des affres et de l’extase (traduction française d’arrebato) qui l’accompagnent, qu’Iván Zulueta expose à travers une image poisseuse et anxiogène. Influencée par Brian De Palma et servie par l’esthétique si particulière d’Ángel Luis Fernandez (directeur de la photo multipliant à l’époque les collaborations avec Almodóvar), l’image d’Arrebato devient surface opaque, sur laquelle le regard s’arrête au lieu de la traverser : la mise en scène est à la fois l’enjeu principal du film et son sujet premier. Ce questionnement sur notre rapport à l’image, fait de fascination et de défiance, est une veine bien connue de l’histoire du cinéma, de La Machine à tuer les méchants (La macchina ammazzacattivi, Roberto Rossellini, 1952) à la suite Destination finale (Final Destination, 2000-2011).
Loin de constituer une réflexion abstraite sur le cinéma, le film revêt au contraire un caractère éminemment personnel : son angoisse et ses phobies sont celles du cinéaste, tout autant absorbé que ses personnages par la création cinématographique et une forte addiction à l’héroïne. Quelques semaines après la sortie, le cinéaste disparaît à nouveau des écrans radars et replonge avec son film dans les profondeurs de l’oubli, au fond desquelles Arrebato brille, aujourd’hui encore, d’un éclat unique.

Pedro Almódovar en voix de fausset
Du fait de problèmes de prise de son, une grande partie du film dut être doublée en post-production. Iván Zulueta, qui, pour le personnage de Gloria, voulait une voix « pseudo-féminine », fit appel à… Pedro Almodóvar, qui la doubla avec une voix de fausset ! Helena Fernán-Gómez (qui incarne Gloria) raconte qu’elle refusa, à sa sortie, d’aller voir le film, honteuse d’avoir été doublée par un homme. Avant de se raviser quelques années plus tard, fière d’être « l’unique actrice qui puisse se vanter d’avoir été doublée par Almodóvar ».

Super 8, Movida, Alaska
La majorité des images tournées en Super 8 par Pedro appartiennent à d’anciens courts métrages d’Iván Zulueta. Les images furent transférées en 35 mm, donnant une texture spéciale aux dites scènes. Dans certaines apparaissent des personnages connus de la Movida, comme María Olvido Gara Jova, chanteuse et figure emblématique plus connue sous le nom d’Alaska, également la Bom de Pepi, Luci, Bom et les autres filles du quartier d’Almodóvar.

Récompenses
Malgré son échec commercial, le film a reçu de nombreuses nominations et prix en Espagne et à l’étranger, comme au Fantasporto, le Festival du Film fantastique de Porto, où il reçut le prix de la critique, du meilleur acteur et du meilleur scénario en 1982. Arrebato continue à être récompensé plusieurs décennies après sa sortie : en 2008, Zulueta reçut des mains du jury du Festival de Malaga le prix du film d’or pour cette œuvre culte.

Arrebato
Espagne, 1980, 1 h54, couleurs (Eastmancolor), format 1.66
Réalisation & Scénario : Iván Zulueta
Photo : Ángel Luis Fernández
Musique : Negativo
Montage : José Luis Peláez, José Pérez Luna, María Elena Sáinz de Rozas
Décors : Carlos Astiarraga, Eduardo Eznarriaga, Iván Zulueta
Costumes : José Alberto Urbieta
Production : Nicolás Astiarraga
Interprètes : Eusebio Poncela (José Sirgado), Cecilia Roth (Ana Turner), Will More (Pedro), Marta Fernández Muro (Marta), Helena Fernán-Gómez (Gloria), Carmen Giralt (Tía Carmen), Max Madera (le prostitué), Javier Ulacia (employé du magasin de photo), Rosa Crespo (la vampire), Luis Ciges (le concierge)

Sortie en Espagne : 9 juin 1980

Ce site nécessite l'utilisation d'un navigateur internet plus récent. Merci de mettre à jour votre navigateur Internet Explorer vers une version plus récente ou de télécharger Mozilla Firefox. :
http://www.mozilla.org/fr/firefox