Billetterie

Andreï Roublev

Andrey Rublyov

de Andreï Tarkovski , URSS , 1966

Le moine Andreï Roublev (Anatoli Solonitsyne) est peintre d’icônes dans la Russie du XVe siècle. Formé par le père Serge de Radoneje, fondateur du monastère de la Trinité, à Zagorsk, il cherche à exprimer l’invisible, à peindre des idées de paix, d’harmonie et d’amour. Mais sur son chemin, dans un pays traversé par les guerres consécutives à l’invasion des Tatars, il va découvrir la jalousie, la haine et la violence. Un monde sans pitié où Roublev lui-même est conduit au meurtre pour avoir voulu arracher une innocente des mains d’un soldat paillard. Roublev, alors, fait vœu de silence et renonce à peindre.

En 1979, alors qu’il se trouve au Fouquet’s, entouré d’immenses agents du KGB chargés de le surveiller, Andreï Tarkovski raconte aux journalistes français qu’Andreï Roublev a été écrit dans la joie, à grands renforts de vodka, de « jeunes filles bien intentionnées » et que le scénario du film fut un moment égaré dans un taxi. On ne saurait imaginer plus grand écart que celui qui se dessine entre les images jalonnant la création du film et celles qui accompagnent le parcours d’un jeune moine dans la Sainte Russie du XVe siècle. Tout le cinéaste russe se retrouve quelque part dans ce grand écart, lui dont l’œuvre semble enjamber les grands bouleversements du XXe siècle. Tarkovski regarde au-delà, semblant indifférent même aux thèmes chers à la révolution soviétique, ce qui lui assurera bien plus sûrement les foudres de la censure que les critiques sous-jacentes contre le régime qui, malgré tout, jalonnent son œuvre.


ANDREI-ROUBLEV-(1967)
Les idées d’Andreï Tarkovski détonent avec son temps. Dans Andreï Roublev, ses images flamboyantes déploient une méditation sur la condition humaine, évoquant avec une infinie compassion l’homme perdu sur la Terre, travaillé par le doute au fil d’un chemin de croix au terme duquel l’espoir doit permettre d’ouvrir une nouvelle perspective. La réflexion de Tarkovski est d’ordre métaphysique, ses questionnements universels. Le film, pourtant, sera banni plusieurs années des écrans de l’URSS, sans raison précise. Sans doute ébahies par tant de beauté, forcément suspecte, les autorités russes agirent probablement à la manière du bureau de contrôle anglais devant La Coquille et le Clergyman (Germaine Dulac, 1928, scénario d’Antonin Artaud) : « On ne sait trop ce que le film signifie, mais il est clair que, s’il signifiait quelque chose, il conviendrait de le condamner. »
Il serait faux, cependant, d’avancer qu’Andreï Roublev n’est ni de son temps ni de son lieu. Le chemin de croix du moine Roublev est celui de tous les artistes dont la liberté d’expression se trouve menacée, mais sans aucun doute le cinéaste pense-t-il avant tout aux artistes de son pays. Andreï Tarkovski s’inscrit dans une tradition russe, dont il reprend les grands thèmes de la Faute et du Pardon (douloureux thèmes que Dostoïevski a porté jusqu’au sublime), et regrettera toute sa vie de n’avoir pas été compris dans son pays. C’est cette peine qu’il chantera dans son avant-dernier film, Nostalgia (Nostalghia, 1983), alors qu’il vit en exil en Italie.

Prix de la critique internationale
Alors que le film est banni des écrans en URSS, son influence personnelle vaut à Robert Favre Le Bret d’obtenir qu’Andreï Roublev soit projeté à Cannes en mai 1969. Les Russes y mettent cependant une condition : sa présentation hors concours. C’est ce qui explique que, malgré son succès fracassant, il ne puisse prétendre à la Palme d’or. Il y remportera le prix de la Critique internationale.

Le peintre
De la même manière que les maîtres des fresques de Mistra et du Mont-Athos, chefs d’œuvre de l’art byzantin, le grand peintre Andreï Roublev préfigura la Renaissance. Peu de ses œuvres sont parvenues jusqu’à nous. Mais on peut encore contempler les fresques du Jugement dernier de la cathédrale de l’Assomption de Vladimir, les peintures murales de la cathédrale de l’Annonciation au Kremlin de Moscou, l’image du Christ "sur pilotis" à Zvenigorod ou encore l’icône de la "Trinité" du retable de Zagorsk.

Tarkovski et la tradition russe
Au cours de la seule interview qu’il accorda à l’époque à une revue étrangère, Tarkovski s’exprime sur son attachement à la Russie : « Je voudrais ajouter – pour en finir avec le problème de mes rapports avec Eisenstein – que j’ai lu dans votre presse, et cela m’a fait plus de plaisir que tout le reste, que l’on reconnaissait que je travaillais sans me couper des traditions. J’irai même plus loin : je suis persuadé que rien de sérieux ne peut naître sans la base des traditions […]. On ne peut sortir de sa peau de Russe, des liens qui vous rattachent à votre pays, de ce que vous aimez, de ce qui a été fait dans le passé de votre cinéma et de votre art, et donc, au bout du compte, de votre propre terre. De tout cela on ne peut se libérer. » (Entretien avec Michel Ciment, Positif, n° 109, octobre 1969)

Vache epargnée et cheval sacrifié
Plusieurs animaux furent malmenés pour les besoins du tournage. Parmi ceux-ci, le cheval qui tombe dans l’escalier fut finalement abattu d’une balle dans le crâne, mais l’équipe précisa qu’il était de toute façon destiné à l’abattoir. La vache en feu, elle, fut couverte d’amiante par les responsables techniques pour la protéger des brûlures.

Andreï Roublev (Andrey Rublyov )
URSS, 1966, 3h03, couleurs (Sovcolor) et noir et blanc, format 2.35
Réalisation : Andreï Tarkovski 
Scénario : Andreï Mikhalkov-Konchalovsky, Andreï Tarkovski
Photo : Vadim Yusov
Musique : Viatcheslav Ovtchinnikov  
Montage : Tatyana Egorycheva, Lyudmila Feyginova, Olga  Shevkunenko  
Décors : Yevgeni Chernyayev
Costumes : Maya Abar-Baranovskaya, Lidiya Novi 
Production : Tamara Ogorodnikova,  Mosfilm
Interprètes : Anatoli Solonitsyne (Andreï  Roublev), Ivan Lapikov (Kirill), Nikolaï Grinko (Daniel le noir), Nikolaï Sergueiev (Théophane le Grec), Irma Raush-Tarkovskaya (la sourde muette), Nikolaï Burlyayev (Boriska), Rolan Bykov (l’histrion), Yuri Nikulin (Patrikey), Mikhaïl Kononov (Fomka), Youri Nazarov (le grand-duc et son frère), Stepan Krylov (le fondeur de cloche), Sos Sarkissian (le Christ), Bolot Bejshenaliyev (le Khan tartare)

Présentation au Festival de Cannes : mai 1969
Sortie en URSS : février 1969 (après quelques projections privées pendant l’hiver 1966)

FILM RESTAURÉ
Mosfilms
Baba Yaga

Restauration au sein des Studio Mosfilm, qui ont entrepris depuis 2011 un vaste plan de restauration numérique de leur catalogue.

Ressortie en salle le 17 décembre, par Baba Yaga Distribution

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