Après Alice Guy en 2012 et Germaine Dulac en 2013, le festival Lumière poursuit son histoire permanente des femmes cinéastes avec un hommage à Ida Lupino, l’un des plus beaux secrets cachés de l’histoire du cinéma américain.
Née anglaise et enfant de la balle - mère actrice, père musicien - elle fait ses premiers pas dans quelques productions britanniques avant de partir pour Hollywood au début des années trente. Elle va s’y révéler dans quelques perles du film noir, à commencer par Une femme dangereuse, signé du grand Raoul Walsh. Dans ce film hybride, entre polar et film social, plongée dans l’univers des chauffeurs routiers et de la working class, elle incarne une meurtrière par amour, rendue folle par une passion non partagée. Dans un registre plus névrotique que sensuel, elle détourne l’image traditionnelle de la femme fatale calculatrice, au profit du portrait d’une femme victime de ses sentiments. Autre grand film noir des années quarante, La Femme aux cigarettes, où elle incarne la meneuse de revue d’un night club, une figure féminine libre et moderne.
Une femme dangereuse (1940) |
La Femme aux cigarettes (1948)
|
Elle aurait pu se contenter de tout miser sur sa présence magnétique et son physique étourdissant. Mais entre deux prises, elle commence à s’intéresser de très près au travail des techniciens et surtout du réalisateur, le seul selon elle à être constamment dans l’action. Elle fonde en 1949, avec son mari, sa propre société de production indépendante, The Filmakers, afin de porter des projets singuliers et à petit budget, comme les grands studios ne peuvent les concevoir. Ce sont d’ailleurs ces mêmes Studios qui vont la pousser dans ses envies d’indépendance, après l’avoir momentanément suspendue pour avoir refusé un rôle. Premier film produit par The Filmakers, Avant de t’aimer, et nouveau coup du sort. Le réalisateur pressenti tombe malade, et la voilà aux commandes d’un film au sujet sulfureux et d’une folle audace pour l’époque: le parcours tragique d’un fille-mère dans une Amérique ultraconservatrice.
"J'ai souvent fait croire au cameraman que je n'y connaissais pas grand chose. Je m’assurais ainsi une meilleure collaboration de sa part..." Ida Lupino
Précision documentaire, naturalisme et économie de moyens, le cinéma d’Ida Lupino va ainsi explorer avec sensibilité les problématiques de la classe moyenne américaine. Un regard de femme libre incontestablement, sans manichéisme, comme dans l’étonnant Bigamie (1953), chronique d’un homme secrètement marié à deux femmes, et dont elle est l'une des interprètes. Nourrie de son expérience d'actice dans le cinéma de genre , elle signera en 1953 Le Voyage de la peur, premier film noir réalisé par un femme, et tourné en plein désert.
Bigamie (1953) |
Le Voyage de la peur (1953)
|
Après six films au cinéma, elle terminera sa carrière de réalisatrice - mais aussi d’actrice - à la télévision, signant des épisodes de séries devenues cultes : Le Fugitif, Les Incorruptibles, ou la mythique Quatrième Dimension ! Pionnière là encore, à une époque ou les séries télévisées n’avaient pas atteint le noble statut quelles connaissent aujourd’hui. Elle prend sa retraite à l’âge de 60 ans, mettant un terme à un parcours sans faille, celui d’une femme qui s’est accomplie avec une détermination et une éthique tranquilles, au prix d’un certain oubli. Séances de rattrapages obligatoires à partir du lundi 13 octobre !
Ida Lupino en cinq dates
1918 Naissance à Londres
1933 Départ pour Hollywood
1949 Fondation de sa société de production, The Filmakers
1953 Le Voyage de la peur, premier film noir réalisé par une femme
1978 Dernier rôle, avant son retrait du monde du cinéma
Tous nos remerciements à la Cinémathèque du Luxembourg et au BFI.
Ce site nécessite l'utilisation d'un navigateur internet plus récent. Merci de mettre à jour votre navigateur Internet Explorer vers une version plus récente ou de télécharger Mozilla Firefox. :
http://www.mozilla.org/fr/firefox