Posté le 16.10.2014 à 16h32
Salle comble mercredi soir au Pathé Bellecour pour la projection de Max et les ferrailleurs de Claude Sautet. N.T. Binh, spécialiste du cinéaste (et dont le documentaire Claude Sautet, ou la magie invisible est présenté au festival), est venu présenter le film.
Pourquoi ce choix de Max et les ferrailleurs dans l’œuvre de Claude Sautet ?
C’était un de ses films préférés un peu négligé dans une période prolifique, situé entre Les Choses de la vie et César et Rosalie. Des trois, Max et les ferrailleurs est celui qui a eu le moins de succès, celui qui est le moins cité par les cinéphiles. Comme les parents qui prennent la défense de l’enfant mal-aimé, Sautet était très attaché à ce film. Il pensait y avoir donné le meilleur de lui-même et n’avoir pas été compris. Claude Sautet avait énormément de doutes quand il travaillait, mais aussi sur les films qu’il avait faits. Je pense que Max fait partie des films dont il était fier. Il avait l’habitude de remonter et de raccourcir ses films lorsqu’ils passaient à la télévision. Mais pour Max il a juste enlevé une réplique de Romy Schneider, c’est tout. Il avait conscience que c’était une sorte de film parfait.
Dans votre documentaire, Claude Sautet dit que c’est son seul film stylisé. Êtes-vous d’accord ?
L’approche formelle est plus affichée que dans ses autres films. On a souvent tendance à mettre une étiquette de réalisme sur le cinéma de Claude Sautet. Même si le film contient des scènes réalistes avec les ferrailleurs notamment, l’intrigue principale, les relations entre Max et les policiers et Max et Lily (Romy Schneider), naviguent dans une sorte d’expressionnisme, de stylisation formelle que Sautet s’est rarement autorisée par ailleurs. Dans cette même veine, il y a Quelques jours avec moi, qui était aussi cher à son cœur. On y trouve aussi une volonté formelle ostentatoire. Il a pris beaucoup de plaisir à réaliser Max dans cette note là, en appuyant les costumes, les décors, le maquillage… Sautet est d’habitude connu pour être un maître de la modération, de la pudeur. Il y a dans ce film une force d’expression et une puissance brute.
Reste-t-il comme un des grands directeurs d’acteurs du cinéma français ?
C’est un grand metteur en scène, qui n’a pas entièrement été reconnu comme tel de son vivant. Il a eu des succès, des films bien accueillis par la critique, mais il n’était pas forcément pris au sérieux par la critique plus cinéphile, plus spécialisée. On ne le considérait pas comme un auteur à part entière, contrairement à certains de ses contemporains de la Nouvelle Vague comme son ami François Truffaut par exemple. Truffaut a toujours été associé à une création à la première personne. Pour Sautet, on parlait beaucoup de son habileté, de son adresse, de son efficacité. Mais on a souvent reconnu qu’il donnait des grands rôles à des acteurs très connus, remettant ainsi en question leurs images préexistantes. En cela c’est un grand directeur d’acteurs. Il est également un grand directeur d’auteurs car il a pu travailler de très près avec ses scénaristes pour livrer des choses très personnelles mais qui ne s’affichaient jamais à la première personne.
Aux jeunes générations qui connaissent moins son cinéma, que diriez-vous ?
Je remarque que les jeunes spectateurs, qui ont souvent entendu parler de Claude Sautet par leurs parents, sont souvent très surpris à quel point son cinéma reste moderne. Même s’il y a des emblèmes de son époque qui sont affichés à travers par le mode de vies des personnages, les costumes, les coiffures et l’environnement, les jeunes générations restent très sensibles aux émotions qui sont transmises par les personnages. Peut-être même plus que la génération de leurs parents qui avaient l’impression de se retrouver dans un monde confortable à la Sautet. Le côté écorché, le côté émotion vive du cinéma de Claude Sautet parle beaucoup aux jeunes. Ce qui frappe également c’est cette certaine forme de virtuosité sans en avoir l’air. Je pense notamment à la scène de l’accident dans Les choses de la vie, qui marque beaucoup les spectateurs quand ils la voient aujourd’hui.
Propos recueillis par Elsa Colombani