Posté le 16.10.2014 à 11h47
Au cœur du musée Lumière, nous avons pu poser quelques questions au cinéaste anglais Alan Parker, ainsi qu’à deux des réalisateurs du documentaire Cinéastes des années 80 : Alan Parker, le franc-tireur, projeté hier soir.
Photo : Anouck Nicolas / Jean-Luc Mège Photographies
Vous citez dans le documentaire cette phrase de Joseph Losey : « Le conflit fait naître du bon travail ». Pensez-vous que le conflit avec les acteurs et le conflit entre acteurs sont des éléments essentiels pour réaliser un bon film ?
Non, je ne pense pas. L’idée de Losey c’était plutôt de se méfier d’un tournage trop confortable, que le conflit peut parfois être positif.
Vous parlez beaucoup des acteurs. Pouvez-vous nous parler des actrices ? Comment vous les dirigez, vos expériences avec elles…
Je ne les traite pas différemment. Pour moi, c’est la même chose. C’est un plaisir de travailler avec certaines d’entre elles tandis que d’autres peuvent êtres difficiles. On ne peut pas généraliser. On les traite tous différemment. On peut être le meilleur ami d’un acteur, son oncle préféré, son professeur, ou représenter pour eux un horrible personnage. Tout dépend de comment je vais obtenir d’eux la bonne performance. Je ne peux pas vous donner de détails car je ne me souviens jamais de rien lorsqu’on m’en demande.
Lequel de vos tournages reste votre préféré ?
The Commitments, je pense, parce que le tournage était très joyeux. Et pour le coup, il n’y a eu aucun conflit d’aucune sorte !
Mais n’y a t’il pas un certain plaisir lorsqu’une rivalité entre les acteurs se met en place, comme vous le racontez sur le tournage d’Angel Heart entre Robert DeNiro et Mickey Rourke ?
En effet, mais ils étaient comme deux boxeurs, et improvisaient beaucoup. Je devais donc veiller à ce qu’ils respectent le scénario et leur rappeler que leurs egos importaient peu, qu’il fallait se concentrer sur le film.
Vous insistez sur le fait que vous avez toujours voulu faire des films politiques et que, pour ce faire, vous deviez le faire à l’insu des studios. Pensez-vous qu’il est toujours possible aujourd’hui de faire un film politique ?
Non. Hollywood a radicalement changé depuis les quinze dernières années. La vérité c’est qu’ils suivent l’argent, une attitude qu’ils ont eu d’ailleurs depuis le début. La mode d’aujourd’hui réside dans les effets spéciaux, dans les films destinés aux adolescents. Impossible donc de faire un film sérieux à moins qu’il n’exige un coût minime. Il s’agit donc plus de films indépendants. Un gros studio fait peut-être un film sérieux par an pour les Oscars. Sinon, les temps sont plus durs qu’ils n’ont jamais été pour les films sérieux.
Y a t’il tout de même un réalisateur que vous admirez aujourd’hui ?
J’aime beaucoup le travail de David Fincher. Steven Soderbergh également, bien qu’il ait pris sa retraite !
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Alan Parker selon Christophe D’Yvoire et Jean-Pierre Lavoignat, réalisateurs (avec Nicolas Marki) du documentaire.
Qu’est-ce qui fait pour vous l’originalité d’Alan Parker ?
Sa puissance visuelle, son choix des sujets. Il a inventé une nouvelle esthétique qui a marqué les années 80. Quand Alan voit un clip aujourd’hui, il dit en souriant : « Ça je l’avais déjà fait dans The Wall ». Il avait une efficacité dans la manière de mener son récit et une grande force émotionnelle dans des films comme Birdy ou Fame. Un sens du défi aussi. Il aimait être confronté à des choses difficiles, que ce soit dans la bande-son, dans la mise en scène, dans les effets visuels…
Quel film préférez-vous dans sa filmographie ?
Beaucoup ! C’est difficile de choisir. Birdy, peut-être. Et nous sommes très impressionnés par l’inventivité de The Wall. Ce mélange d’animé et de cinéma c’est une réussite unique !
Elsa Colombani