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« I love you baby ! »

 


Posté le  17.10.2014 à 14h24


 
Retour sur la master class magistrale de Michael Cimino.

Michael Cimino Masterclass Institut par Olivier ChassignoleCopyright Institut Lumière / Photo Olivier Chassignole

 

 

Il est entré dans la salle en chantant « I love you baby » de Frankie Valli, accompagné du public ravi, immédiatement sous le charme de sa bizarrerie. Refusant les contraintes habituelles de la formule question-réponse, Michael Cimino a offert hier une master class magistrale au public du festival Lumière. Des fans ayant suivi sa carrière en temps réel aux plus jeunes aspirant à connaître les secrets du cinéaste, tous ont pu poser les questions souhaitées. On pouvait ainsi voir à la sortie de jeunes gens ébahis d’avoir reçu des conseils du grand Maître. Retour en quelques points sur cette séance mémorable.


 « Il faut être fou pour écrire un scénario ».
Interloqués, et sûrement effrayé par cette sentence, certains membres du public l’interrogent : la folie est-elle vraiment nécessaire ? Cimino explique que l’écriture requiert d’être seul dans une pièce toute la journée. Tout doit se faire seul : son café, tailler ses crayons… Et personne ne viendra vous aider si vous finissez la journée avec zéro page au compteur.


« On ne peut faire pleurer le public avant d’avoir réussi à le faire rire »
Première règle à suivre enseigne Cimino pour écrire un bon scénario. Si on aime tant les protagonistes de Voyage au bout de l’enfer (1978),  c’est parce qu’on les suit dans leur vie de tous les jours, on devient peu à peu leurs amis. « La seule chose qui m’intéresse ce sont les gens » poursuit le réalisateur, « pas les idées, mais les gens. Dans Madame Bovary, est-ce qu’on se rappelle des idées véhiculées par le roman ? Non, on se souvient d’Emma. Pareil dans Anna Karénine. Dans Autant en emporte le vent, vous souvenez-vous de la guerre de sécession ? Non, vous vous souvenez de Rhett et Scarlett, et du fameux ‘Frankly, my dear, I don’t give a damn.’ Les grands livres ainsi que les grands films ont pour sujet des personnes. »


« Pour écrire, il faut creuser sans relâche à l’intérieur de soi-même »
Pour écrire, il faut connaître son sujet, explique Cimino qui prend l’exemple de Tolstoï. L’auteur avait fait partie de la cour en Russie, avant d’en faire le sujet de ses romans. « Tout vient de l’intérieur », insiste-t-il, « il faut donc être patient avec soi-même, mais aller au plus profond de son être. C’est souvent douloureux et embarrassant, il faut aller jusqu’au bout. »


« Le meilleur film est toujours celui qu’on n’a pas encore fait. »
À la question de savoir s’il a l’intention de réaliser un nouveau film, Cimino s’est montré plus sombre. « Cela fait vingt ans que j’essaie. J’écris tous les jours. Mais c’est un processus d’une grande douleur, suicidaire presque. Il faut donc garder son humour, continuer à chanter et danser, car si on arrête de danser on est mort. »


« La condition humaine, un des grands livres du XXe siècle. »
Interrogé sur son projet de l’adaptation de La condition humaine, Michael Cimino a expliqué la difficulté d’adapter le livre d’André Malraux. Il rappelle que nombre de cinéastes ont tenté de s’y attaquer : plus de cinquante scénarios ont été écrits, mais tous ont échoué. « Il n’y a pas de structure dramatique dans le roman. C’est comme si vous essayiez d’adapter Cicéron ! Il faut tirer du livre ce qui a marqué votre esprit, et le réécrire tout en restant au même niveau d’intelligence et de qualité que l’original. Vous voyez la difficulté ! »


 « Pour devenir un bon réalisateur, allez prendre des cours d’arts dramatiques. »
Un jeune homme se risque à demander comment Cimino dirigeait ses acteurs. « Pourquoi ? Vous souhaitez devenir cinéaste ? » lui demande-t-il. Timide réponse affirmative qui pousse le réalisateur à retrouver son sérieux. Pour comprendre les acteurs, il faut les étudier, conseille t-il, lui disant de lire le livre de Stanislavski, La formation de l’acteur. « Si on connaît l’art du jeu, on sait comment travailler avec eux ».


« J’ai toujours voulu faire une comédie musicale »
Cimino imitant Frankie Valli a vite fait comprendre son intérêt puissant pour la musique. Cimino s’extasie sur la magie procurée par Fred Astaire et Ginger Rogers, racontant que le danseur, véritable perfectionniste, postsynchronisait chacun de ses pas après les avoir dansés pour la caméra.


« Personne n’a jamais vu Clint Eastwood rire, ta mission est d’y arriver »
C’est l’unique consigne adressée par Cimino à Jeff Bridges sur Le Canardeur (1974). Jeff Bridges devint donc la première personne à avoir fait rire le ténébreux Eastwood.


 « John Ford est mon frère, Kurosawa mon oncle, et Visconti mon père »
Réponse éloquente suite à la question de sa filiation cinématographique. « Qui est votre fils ? » interroge un membre du public. « Je n’en ai pas encore », dit-il pour conclure cette leçon magistrale.


Elsa Colombani

Catégories : Lecture Zen

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